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poète de génie. Les Odes barbares doivent à cette rencontre de former un chef-d’œuvre de la poésie italienne. Carducci tentait en ce recueil de faire revivre ses chers anciens non seulement dans leur esprit, mais encore dans leurs rythmes. Recommençant l’épreuve où avaient échoué les auteurs français de la Pléiade, où réussirent depuis des Anglais et des Allemands, il donnait aux mètres gréco-latins droit de cité dans une poésie moderne. Abolissant la rime, il substituait au vers rimé le vers accentué. Une telle innovation devait être une invention ridicule ou une trouvaille sublime. Les trois séries des Odes barbares (1877, 1883, 1887) réalisent cette dernière alternative. Heureux accident, encore une fois, expérience qu’il serait sage de ne point recommencer. Giosuè Carducci a sans doute emporté son secret dans la tombe.

Aux lois harmonieuses du vers antique Giosuè Carducci plie tous les accens de la Muse moderne. L’ode barbare consacrée aux poétiques souvenirs du Clitumne voisine avec certaine pièce contenant la description d’une gare. Naturellement, la corde nationale et patriotique résonne aussi dans les Odes barbares. Carducci n’a célébré nulle part avec plus de majesté la grandeur romaine que dans ces poèmes destinés à remettre en honneur les modes romains. C’est aussi dans les Odes barbares que se trouve la pièce de vers intitulée : « A la reine d’Italie » (Alla regina d’Italia) et ceci nous amène tout naturellement à retracer la conversion du poète à la monarchie.

Au mois de novembre 1878, la reine Marguerite visitait, en compagnie du roi Humbert, Bologne la Rouge, Bologne la Grasse. De bruyantes manifestations loyalistes accueillaient les souverains. La blonde beauté de la reine Marguerite n’était pas moins fêtée que la fière prestance du roi. Par son charme, son intelligence, la reine gagnait tous les cœurs. Si bien que Carducci lui-même se sentit touché. Le 20 novembre 1878, jour anniversaire de la souveraine, paraissait l’ode qui devait faire si grand bruit :


D’où nous es-tu venue ? Quels sont les siècles qui l’ont transmise à nous, si aimable et si belle ? Dans lequel des chants des poètes, où donc, un jour, ô reine, t’ai-je vue ?…

Blonde et resplendissante, dans le diamantin t’ont de ta couronne tu passes, et fier de toi, le peuple aime à le regarder comme une jeune fille qui marche vers l’autel :

L’innocente fillette, avec un sourire mêlé de larmes, le contemple et, tout