elle est tombée aujourd’hui en Italie dans un irrémédiable discrédit.
Giosuè Carducci n’y a pas médiocrement contribué. Il partage avec MM. d’Ancona et Bartoli, Zumbini et Graf l’honneur d’avoir élevé la critique littéraire, en Italie, à la dignité d’une discipline rigoureuse. La postérité mentionnera Giosuè Carducci parmi les fondateurs de la critique positive ou historique. Considérant qu’une œuvre littéraire n’exprime pas seulement une âme individuelle, mais aussi certaines conditions sociales et politiques, artistiques, intellectuelles et morales inhérentes à l’époque où elle parut et qui la déterminèrent, la critique positive entreprend l’étude simultanée de ces multiples facteurs. La critique devint avec Carducci une opération moins exclusivement littéraire qu’à l’époque où florissait la méthode de Francesco De Sanctis, mais elle accomplit aussi depuis lors une fonction plus relevée.
De cette critique supérieure, le professeur de Bologne adonné des modèles. Ses discours d’une rare puissance synthétique sur le Développement de la littérature nationale, son livre sur le Giorno de Parini, son introduction à l’édition nouvelle des Rerum italicarum scriptores, ses pages sur Dante, sur Politien, sur Manzoni dureront autant que la prose italienne. Il pratiqua toute sa vie ce qu’il appelait « le bain froid de l’érudition. » Nous avons cru devoir faire des réserves sur sa façon d’interpréter la Révolution française. Il est piquant d’observer que lorsqu’il traite en prose des sujets italiens, Carducci sait imposer silence à ses préférences politiques. D’ailleurs, dans ce domaine encore, il apparaît strictement latin. Il se plaît à la beauté des maîtres qu’il étudie et cherche à la faire apprécier du lecteur. Historien, il reste artiste. Il répudie comme une erreur du goût toute érudition insolente et qui s’étale et qui se pavane. Par ses qualités de mesure et d’harmonie, la richesse et la pureté toscane du vocabulaire, la cadence de la période, la splendeur des images, sa prose n’est pas inférieure à sa poésie.
Elégante et vivante, précise et colorée dans la critique littéraire et l’histoire, cette prose revêt, dans d’autres domaines, d’autres qualités. Homme d’étude et de cabinet, Carducci n’en savait pas moins parler au peuple, à la plèbe, comme il disait en tout respect. Dans ceux de ses discours qui s’adressent à un auditoire populaire, dans sa harangue aux électeurs de Lugo, dans son