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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/150

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Bavarois le salut de 1 500 compagnons rhénans, et puis il descendait jusqu’à Vienne. Un jeune prêtre de Vienne, fils d’artisan, déjeunant un jour avec son père, fut effaré de voir soudainement un inconnu, qui lui dit sans plus de formes : « Tu dois devenir, à Vienne, président de l’association de compagnons. » Ce tutoyeur imprévu n’était autre que Kolping. Le jeune Antoine Gruscha, aujourd’hui cardinal-archevêque de Vienne, obéit à son visiteur ; l’association viennoise des compagnons était fondée. De son lit de mort, le publiciste Jarcke bénissait l’initiative nouvelle : « On parle beaucoup du bien du peuple, disait-il à Kolping ; votre fondation est le premier acte qu’on fasse. » L’apôtre ambulant s’en fut à Prague, alla parler de son œuvre au congrès catholique de Munster, et prit ensuite la route de Berlin. Il retrouva, là, quelques jeunes ouvriers connus à Cologne, et les lança sur le prêtre Muller, qui avait, jusque-là, sous les auspices de la maison princière de Sagan, soigné dans cette petite ville des consciences aristocratiques ; il fallut que Muller changeât de clientèle, et que, du jour au lendemain, il dévouât sa vie à la cause des travailleurs. Mises en branle par l’apostolique audace de Kolping, ces énergies plébéiennes devenaient invincibles ; Muller céda, et l’œuvre de Kolping s’établit à Berlin ; le développement en fut si rapide qu’en 1855, le prince Frédéric de Prusse, le ministre Westphalen, le général de Gerlach, le directeur de la police Hinkeldey, honorèrent de leurs applaudissemens une conférence donnée par Kolping devant les compagnons berlinois. Cent quatre associations, et 12 000 membres, tel était, en 1855, le bilan de l’activité de Kolping, Le prince Boguslas Radziwill, qui lui était lié d’amitié, le protégeait auprès de la cour. « Maintenant que vous avez organisé une aide pour les Gesellen, lui disait le ministre Westphalen, n’auriez-vous pas une recette pour les apprentis ? »

Mais Kolping estimait que, pour les Gesellen, il restait encore beaucoup à faire. Ses plans s’élargissaient ; ce qu’il voulait, c’était créer dans chaque ville un hospice où logeraient les compagnons ambulans. « Notre Dieu, écrivait-il dans son journal, doit payer la maison. Il le peut, car il est assez riche ; il le veut, car il est assez bon, et il aime autant les pauvres gamins des métiers que ces gens qui descendent dans les premiers hôtels, — pour de l’argent, sans doute, mais cet argent, notre Dieu n’a fait que le leur prêter… Si seulement on savait, disent certains, où