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direction d’un grand journal ? Il est permis d’en douter, et certainement il s’y fût refusé. Kolping n’était publiciste que parce qu’il avait été compagnon ; et les historiettes qu’il contait à ses jeunes gens sont une jolie apologie de l’institution même du métier ; elles sont de bonnes leçons d’hygiène morale ; elles donnent aux lecteurs le goût d’une société solidement organisée, ignorante de toute crise, fondée sur la stabilité des professions ; elles ont pour but de maintenir ou de ressusciter en eux le goût d’être des « enracinés ; » elles témoignent, par elles-mêmes, que dans les milieux où elles se font lire, où on les accueille, où on les médite, il y a un certain fonds de santé sociale, un certain goût d’équilibre et d’encadrement, un attachement véridique à certaines assises traditionnelles. Et Kolping visait, en effet, à sauver de la petite industrie tout ce qui pouvait en être sauvé, à maintenir l’importance économique du petit métier, à former des compagnons qui deviendraient un jour des maîtres, qui auraient pignon sur rue et statuettes pieuses, peut-être, sur leurs archaïques pignons, et qui perpétueraient dans l’Allemagne moderne, dans l’Allemagne de la libre concurrence et du libre-échange, certaines des alluvions sociales de la vieille Allemagne.


III

Parallèlement à Kolping, un ancien officier, Schorlemer Alst, entreprenait un autre travail de consolidation sociale. C’est aux paysans westphaliens qu’il donnait sa vie. Il voyait péricliter le travail, péricliter la propriété immobilière, sous la poussée constante d’un facteur nouveau, le capital ; il constatait que le capital payait 3 pour 100 d’impôts, que la propriété immobilière en payait 9 ; il s’inquiétait de voir les banquiers, les industriels des villes, acheter et revendre des terres. Dans cette Westphalie où d’anciennes coutumes avaient si longtemps maintenu l’intégrité des domaines familiaux, il réputait comme une ennemie personnelle l’hypothèque, qui survenait avec des airs bénins, et qui chaque jour, ensuite, se faisait plus pesante jusqu’à ce qu’elle se montrât féroce. Il y avait là un phénomène nouveau, contre lequel de pauvres paysans étaient désarmés ; mais Schorlemer estimait que, grand propriétaire et catholique, il était de son devoir, à lui, de les défendre. « Le grand propriétaire, déclarait-il, doit vivre en chrétien, c’est-à-dire se distinguer