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volonté de dissoudre la Douma a-t-elle été dès le premier moment évidente. Elle a été exécutée le 16 juin.

Une autre preuve du parti pris de dissolution auquel le gouvernement s’était arrêté est la rapidité avec laquelle la loi électorale a été révisée. Il faut bien avouer que cette révision, faite par le gouvernement seul, était inconstitutionnelle, c’est-à-dire en désaccord avec les lois fondamentales que l’Empereur avait données à son peuple en octobre 1905 avec promesse de n’y pas toucher sans le concours des Chambres. Nous aurons à étudier la loi nouvelle : contentons-nous de dire pour le moment qu’elle diminue dans une proportion notable la représentation des provinces qui ne sont pas exclusivement russes. La Pologne, par exemple, avait trente-six députés et n’en aura plus que quatorze : encore deux d’entre eux doivent-ils être de nationalité russe. L’attitude des Polonais dans la Douma n’avait peut-être pas mérité qu’on leur infligeât cette diminution : sera-t-elle du moins compensée par le développement de leur autonomie intérieure ? Le nombre des députés est sensiblement diminué. On s’est arrangé enfin pour que toutes les classes, ou curies, — propriétaires, paysans, habitans des villes, quelquefois les ouvriers, — aient un élu dans chaque collège électoral, en attribuant la supériorité numérique aux propriétaires. Que donnera la loi nouvelle ? Le scrutin seul nous l’apprendra. L’histoire d’autres pays, du nôtre par exemple, a montré que les résultats des élections ne sont pas déterminés par les lois électorales aussi sûrement que le législateur, quel qu’il soit, l’a espéré. Nous souhaitons sincèrement que les Russes soient plus heureux. Leurs efforts, même maladroits, même incorrects, pour obtenir, qu’on nous pardonne le mot, une Douma passable, méritent de la part du monde une bienveillante attention.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.