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appropriées par l’expérience à ce climat demi-aride. On avait découvert, en fouillant le globe, une végétation qui résistait à la sécheresse et on en avait mesuré la valeur. On avait inventé un outillage qui paralysait l’évaporation du sol, et des recherches patientes l’avaient perfectionné. La combinaison de ces outils, de ces méthodes et de ces graines et plantes spéciales constitue ce que les Américains appellent la « culture à sec, » — dry farming. — Elle leur permet de vaincre l’aridité et de couvrir de moissons des millions d’hectares qui, avec les systèmes ordinaires, ne seraient bons qu’à la vaine pâture.

Sur ces plaines, où le pluviomètre accuse une moyenne annuelle de 25 centimètres d’eau, — la France, suivant les départemens, en a de 60 centimètres à 1m, 30, — des mois se passent sans qu’il en tombe une goutte, sans qu’un nuage même paraisse à l’horizon et parfois, dans le Sud-Ouest surtout, le vent, brûlant comme celui d’un haut fourneau, transforme en vingt-quatre heures les tiges vertes du maïs en sèches baguettes de tambour. Les campagnes subissent au moins une année sur cinq de stérilité complète, et cet échec quasi périodique de la récolte serait encore supportable, s’il n’était accompagné de la mort des arbres, des vignes et de l’alfa.

Le fermier est arrivé à doubler la ration d’humidité que le ciel lui octroie en utilisant, pour un seul rendement, la pluie de deux années consécutives. Il y parvient au moyen d’un repos biennal du sol, soigneusement labouré, pulvérisé et sarclé par un outillage spécialement construit à cet effet, sans qu’on y laisse pousser ni germer, durant tout l’été, une graine ou un brin d’herbe. On évite ainsi l’évaporation du fonds, qui conserve l’eau d’une saison jusqu’à la suivante, où la végétation s’emparera de ces pluies cumulées.

Les résultats remarquables ainsi obtenus par ce chômage laborieux, tout opposé à notre ancienne « jachère, » ne s’appliquent pourtant qu’aux récoltes annuelles. Ils servent au froment et à ces graminées capables de vivre sans boire, qui sont le triomphe de la « culture à sec ; » mais ils ne répondent pas aux besoins des arbres fruitiers ni de l’alfa, que l’on ne peut transplanter ni transporter chaque année de la terre en sommeil à la terre en travail. Ces vergers et ces fourrages permanens, il a fallu, par l’irrigation, les empêcher de mourir de soif ; d’autant que les plantes vivantes sont plus difficiles à désaltérer dans une