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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/328

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France. Celle-ci ne demande peut-être qu’à se laisser conquérir, mais ce n’est point devant la force qu’elle se rendra : elle aspire à l’amour. Cet amour, elle le donnera sans réserve à celui qui précisément assumera le rôle d’arbitre souverain que les derniers gouvernemens n’ont point su tenir. Qu’il s’impose à tous les partis et qu’il les domine ; que, les dominant, il les apaise et les réconcilie : nul ordre ne pourra être établi dans les affaires du pays, nulle liberté dans sa vie, nulle paix dans sa conscience si, au préalable, le gouvernement ne se fait le grand juge de paix national. Bonaparte, arrivé au pouvoir, ne saurait s’y maintenir que s’il est l’homme de la réconciliation française.

Tous ceux qui avaient lu le volume où la révolution de Brumaire nous était contée, avaient déjà compris que tout n’était pas dit au moment où le premier Consul Bonaparte invitait d’un geste ses deux collègues Cambacérès et Lebrun à délibérer avec lui des affaires du pays. Quelques jours auparavant, les grenadiers étaient revenus de Saint-Cloud en chantant le Ça ira, et certes cela allait aller : mais beaucoup de citoyens que, depuis des années, le malheur avait rendus sceptiques en doutaient encore. Avec eux, les lecteurs de M. Albert Vandal attendaient impatiemment la suite du drame. Ils l’ont attendue trop longtemps à leur gré ; mais à voir sur quels documens considérables, et jusqu’ici inexplorés, l’érudit a bâti son ouvrage, quelle critique éclairée il a apportée à les apprécier et quel scrupule à les employer ; à considérer par ailleurs combien de vérités nouvelles sortent de tant de documens inédits, quelles conclusions neuves et mûrement méditées ; à constater enfin avec quel art charmant il nous présente faits et conclusions, les lecteurs s’étonneront, tout au contraire, d’avoir si peu attendu. Aussi bien, je n’ai pas à présenter aux lecteurs de la Revue l’historien qu’est M. Albert Vandal : ils l’ont lu. Et il y a longtemps, nous le savons, qu’à la question posée par les pédans des siècles derniers : L’Histoire est-elle un art ou une science ? M. Vandal a répondu en prouvant qu’elle peut être et doit être l’un et l’autre.

Jamais ses grandes qualités n’ont été portées aussi loin que dans l’œuvre qu’il nous livre aujourd’hui. L’historien du Consulat passe avec aisance des récits les plus dramatiques aux chapitres les plus ardus, et je ne sais s’il ne nous intéresse pas autant à la fondation de la Banque, ou à la discussion du Code qu’à la mort tragique de Frotté, ou à la pittoresque installation du