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une conscience plus aiguë de leur misère et de leurs aspirations, Mais quand le régime turc sera-t-il si bien amendé et la Macédoine si bien pacifiée qu’elle pourra être abandonnée à elle-même ? Il est encore impossible de le prévoir.

Reste une autre hypothèse : celle d’une solution violente, d’une guerre qui chasserait les Turcs de Macédoine, peut-être d’Europe, ou qui, au contraire, leur rendrait le prestige de la victoire et les encouragerait à persister dans leurs anciens erremens. D’où pourrait venir, à l’heure actuelle, une intervention militaire ? Pas d’une grande puissance européenne. La politique austro-hongroise et la politique russe, dans les Balkans, sont conservatrices, elles se réclament du principe de l’intégrité de l’Empire ottoman. Quiconque d’ailleurs voudrait s’en prendre au Sultan trouverait sans doute en face de lui la force allemande. Il paraît donc possible d’écarter pour le moment toute crainte d’une guerre comparable à celle de 1878. Restent les États de la péninsule. Un seul d’entre eux, la Bulgarie, peut être regardé, grâce aux grands progrès militaires qu’il a réalisés et à sa forte organisation, comme en état de tenir tête à la Turquie. Certains Bulgares regrettent que leur pays n’ait pas, en 1903, au moment de la grande insurrection, tenté la fortune ; ils disent volontiers, non sans présomption peut-être, que s’ils étaient assurés de la neutralité de l’Europe et de colle de la Roumanie et de la Serbie, ils ne devraient pas hésiter à tout risquer pour délivrer leurs frères de Macédoine. Mais le gouvernement a fait trop de sacrifices à la paix pour en perdre maintenant le bénéfice ; à moins que les violences des bandes grecques ou les représailles turques n’exaspèrent irrésistiblement l’opinion publique dans la Principauté, il n’y a pas lieu de croire à un danger très prochain de guerre. La Bulgarie est heureusement gouvernée par un prince d’une haute sagesse politique, ami de la paix, conscient des brillantes destinées que l’avenir réserve à son pays, s’il sait être prudent et laisser le temps travailler en sa faveur ; le prince Ferdinand est aussi peu enclin que possible à risquer sur un coup de dé le sort de son pays et de sa dynastie. La guerre ne pourrait donc résulter que d’un excès de détresse des populations bulgares de Macédoine amené soit par l’avortement des réformes, soit par la continuation des tristes exploits des bandes grecques.

On serait peut-être en droit de redouter l’entrée en