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1/1 000e de seconde, pourraient ne pas posséder une netteté suffisante.

M. Marey, pour résoudre le problème, s’y prit comme il suit : un cylindre laminoir entraîne la bande sensible, comme celui du Morse entraîne son ruban de papier ; ce cylindre est animé d’un mouvement de rotation parfaitement uniforme, — on fait entrer ainsi le temps dans la représentation du phénomène, comme il entre dans le Morse, — et l’arrêt intermittent de la bande, qu’il est impossible de songer à obtenir en agissant sur les rouages qui provoquent son mouvement, leur vitesse étant, le plus souvent, trop grande, est produit par un appareil particulier, le fixateur. A l’origine, en 1890, M. Marey avait employé, pour remplir ce rôle, un compresseur constitué par une mâchoire d’électro-aimant ; mais, frappé des inconvéniens de ce système, il le remplaça, trois ans après, par une sorte de mécanisme à cames qui, au moment voulu, c’est-à-dire, lorsque le disque obturateur masque l’objectif, arrête par compression brusque le mouvement de la bande, et cela malgré l’action du cylindre laminoir. Alors, sans perdre un seul instant, l’éminent professeur montra, en tirant jusqu’à soixante épreuves à la seconde de certains objets en mouvement, le parti qu’on pouvait tirer de l’appareil ainsi construit. Si donc M. Marey n’est pas, quoi qu’on en ait dit, l’inventeur de la chronophotographie, s’il a été, dans cette voie, précédé par M. J. Janssen et Muybridge, on ne saurait contester, — et ce titre suffit à sa gloire, — qu’il est le seul et véritable inventeur du chronophotographe actuel, c’est-à-dire de la méthode et de l’instrument qui ont permis de résoudre, dans toute son ampleur, le problème de l’analyse des mouvemens, de tous les mouvemens.

Et, maintenant, que la chronophotographie constitue une méthode plus générale que la méthode graphique, c’est ce qui ressort, il nous semble, de tout ce qui précède ; qu’elle soit plus sûre, c’est encore indéniable, puisque, à l’inverse des procédés d’inscription dont usent les enregistreurs, elle n’emprunte rien aux forces qu’elle étudie et, par conséquent, ne peut altérer en rien leurs manifestations. Mais où son incontestable supériorité éclate c’est, évidemment, lorsqu’on la voit suivre les phases des phénomènes sans nombre qui échappent à nos yeux par leur extrême rapidité. Certes, elle ne nous donne pas, comme un appareil enregistreur, l’expression continue des changemens produits ; mais les images qu’elle saisit sont si rapprochées,