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leur subsistance mais à recruter des néophytes, tirant un délicat parti de la vanité des indigènes : ainsi, moyennant les cotisations de leurs écoliers, ils constituent des caisses qui assurent à ceux qui mourront des enterremens somptueux, — pour garder ses élèves, l’Etat a dû en faire autant ; — ils attirent le Hova adulte par le droit de prêcher en chaire, et il n’est rien par quoi il puisse être plus affriandé. Ils le tiennent aussi par la familiarité dont ils usent adroitement vis-à-vis de lui : « Je suis ton frère, disent-ils, je ne suis pas ton maître. » Le maître, l’exploiteur, c’est le Français.

Dans certaines provinces, ils ont formé tous les fonctionnaires indigènes qui leur gardent une grande reconnaissance et avec qui ils entretiennent des liens étroits : ils ont donc du pouvoir sur la masse. Ils lui parlent constamment de leur métropole dont ils exaltent la générosité sans égale et vantent l’hégémonie maritime : avec l’obséquiosité hova, leurs desservans, — les instituteurs protestans indigènes, — renchérissent sur leurs propos. Dans la guerre, ils ont caché « les héros » de l’insurrection, et les ont aidés à s’évader ; ils nouent encore des relations avec les Fahavalos. Tenus aujourd’hui d’enseigner le français dont quelques-uns seulement possèdent assez la langue pour la parler, ils consacrent la majeure partie du temps à psalmodier des cantiques dans les écoles : à quelque heure des jours de semaine que ce soit, on ne passe pas devant leurs bâtimens de briques fauves où grimpent gracieusement les guirlandes magenta du bougainvillier sans en entendre retomber les chants clairs et souvent stridens d’enfans et de femmes. Autrefois, ces cantiques étaient entremêlés de paroles de haine contre la France, et on y proclamait que le Christ naquit en Angleterre ; plusieurs administrateurs, qui ne sont point catholiques, nous affirment que de pareilles pointes hérissent encore fort souvent leurs homélies, surtout dans les campagnes distantes de Tananarive ; beaucoup ont été souvent obligés de faire des kabarys pour démentir les nouvelles de guerre entre l’Angleterre et la France et les bruits de bombardemens de nos ports qui circulaient parmi les indigènes : ils n’avaient pas un instant suspecté les missionnaires quand les indigènes, déçus au bout de quelques semaines, les leur dénoncèrent. Des portraits de Kitchener ornaient certaines écoles de l’Itasy à l’époque où nous y avons passé.

Au moins, les Malgaches ont-ils profité de l’enseignement