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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/666

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serrure, sculptant lentement une feuille dans le bois rouge d’une chaise ou faisant voler la varlope, ou encore réunis plusieurs autour d’un contremaître européen qui leur établit des calculs au crayon sur une planchette. Ils sont plus qu’intéressés, attachés à leur besogne. Vraiment, ce ne sont plus seulement des « indigènes, » mais bien des jeunes gens : leur figure sérieuse, leurs yeux attentifs à l’exactitude du travail en cours ou malins à saisir l’interrogation de l’Européen qui les dirige en camarade et travaille à leur côté, leur front tenace, leur pensée lente à la réflexion, mais leurs gestes empressés à l’ordre précis, tout cela est extrêmement sympathique ; et, en l’absence des familles d’agriculteurs français, agrippés courageusement à la glèbe et dont les maisonnettes entourées de fleurs sont pour nous dans les colonies le signe et la représentation imagée de la civilisation française, c’est dans ces ateliers qu’à Madagascar on éprouve de la satisfaction et de l’allégement, on assiste à l’élaboration de Frances nouvelles formées de sujets laborieux qui sont initiés à l’intérêt de l’assiduité, civilisés par un travail pratique, éveillés avec attrait à notre civilisation complexe, et soucieux de se composer des familles « respectables » à l’image de celles de leurs maîtres. On ne ressent pas cette impression, simple et pénétrante, dans les salles d’école où d’autres ânonnent avec émulation mais fatigue les leçons d’histoire. De ces adolescens, parfois barbus, attablés à des besognes diverses dans les ateliers, certains ont parfois couru cent kilomètres à travers la brousse, boueux et en guenilles, pour venir demander à apprendre un métier qu’ils ont désigné avec certitude. Il en est qui se présentent, orphelins ou ayant fui leurs parens, sans offrir les conditions requises, ils supplient le directeur de les accepter comme domestiques pour qu’ils regardent les autres travailler.

L’école se distribue en ateliers de menuiserie, de ferblanterie, de fonderie et de céramique. La première année, les élèves touchent un peu à tout ; puis ils se spécialisent. On leur fait exécuter beaucoup de travaux d’ajustage, puis des objets usuels : le système qui autorise ces écoles à vendre aux particuliers des ustensiles confectionnés donne une excellente direction à l’enseignement qui ne s’anémie point dans les abstractions de la théorie ; burettes, lampes, boîtes à lait, entonnoirs, arrosoirs et plats, se rangent sur les étagères, façonnés avec un soin parfait à des prix inférieurs à ceux de la France. On ne peut suffire