qui ont étudié le bouddhisme d’un peu près ait pu s’empêcher de se poser, et j’en connais qui ne l’ont pas résolue. Oserai-je dire que, pour ma part, à la poser ainsi, je n’en sache guère de plus inquiétante ? Car si le christianisme n’est pas « unique. » il retombe sous la loi naturelle du développement de l’esprit humain, ce qui équivaut à dire qu’il n’est plus le christianisme. Et, dans ces conditions, comme du bouddhisme lui-même, il n’en reste qu’une discipline dont la libre pensée moderne n’aurait plus qu’à dégager, du milieu des dogmes qui l’obscurcissent, la signification morale et civilisatrice.
Nous avons des raisons de penser que ces lignes, — dont on pourrait rapprocher d’autres aveux, — expriment l’état d’esprit qui a été longtemps celui de Ferdinand Brunetière, et que cette façon de concevoir les rapports des deux religions a été, durant de longues années, pour lui, la plus grande « difficulté de croire » à la vérité, à la « transcendance » du christianisme.
Une autre idée reparaît fréquemment dans ce recueil de discours, et lui donne même une allure moins combative, plus pacifique et plus conciliatrice qu’à l’ordinaire : c’est celle de l’union des Églises chrétiennes. Parlant à Rome, en 1900, de la Modernité de Bossuet, Ferdinand Brunetière regrettait que personne ne se fût encore placé à ce point de vue central pour étudier l’histoire de la pensée du grand évêque, et, tout en se récusant, il esquissait cette histoire. Et il ajoutait : « Seul ou presque seul en son temps, Bossuet a senti la nécessité de s’unir. Qui niera que cette nécessité soit aujourd’hui universellement sentie ?… On a compris que ce qui fait en tout genre la valeur de l’individu, c’est le coefficient social… Comprendra-t-on aussi, sentira-t-on le prix de l’autorité ?… Mais le jour où nous l’aurons compris, à qui nous adresserons-nous ? Quelle Église trouverons-nous dont l’immutabilité nous garantisse les conditions hors desquelles il n’y a pas de société spirituelle possible, ni peut-être de société matérielle ? Messeigneurs, il n’y en a qu’une, et ce jour-là, qui verra le retour des Églises au centre de l’unité catholique, ce jour, s’il doit luire jamais sur l’humanité, sera le jour aussi du triomphe de Bossuet. » Il revenait encore sur cette idée dans sa conférence de Besançon sur l’Action sociale du christianisme. Il y montrait que, pour combattre l’irréligion révolutionnaire, aucun terrain n’était plus favorable que le terrain social, et, pour prouver sa thèse, il s’imposait l’obligation de « ne produire que des témoignages protestans. » « C’est que, déclarait-il, sur le terrain social, qui est aujourd’hui le nôtre, le temps approche, ou du moins je l’espère, où il n’y aura plus ni catholiques, ni protestans, mais seulement des chrétiens. » Et la même idée était