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un républicain ! L’armée n’a pu que gagner au change. Le premier était un esprit chagrin, timide, morose ; le second ne doute de rien. — Nous sommes convaincus que le général de Lacroix est fort loin d’approuver ces basses flagorneries. Il n’a mérité ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Il a, lui aussi, une haute valeur militaire, et nul n’est plus apte à réussir dans l’œuvre qu’il entreprend avec courage : avons-nous besoin d’ajouter que tous nos vœux l’y accompagnent ? La démission du général Hagron n’en reste pas moins un fait très grave, et ce serait tant pis pour nous si nous n’en comprenions pas l’enseignement.

On a présenté le général Hagron comme un adversaire de la loi de deux ans, ce qui est, croyons-nous, parfaitement faux : s’il en avait été ainsi, le général n’aurait pas accepté les fonctions de généralissime. Son tort, s’il en a eu un, son illusion que, pour notre compte, nous n’avons pas partagée, a été de croire que les dernières garanties qui ont été mises dans la loi, soit pour ménager la transition du régime ancien au régime nouveau, soit pour atténuer les conséquences de celui-ci, seraient respectées. Elles n’ont été mises dans la loi que pour la faire voter par ceux qu’inquiétait une réforme aussi dangereuse, mais qui n’en repoussaient pas absolument le principe. Dès le lendemain du vote, on a commencé de battre en brèche les dispositions qui devaient servir de sauvegarde à nos intérêts militaires, et on ne s’est plus soucié que de l’intérêt électoral. Il y a, en effet, opposition de nature entre les deux intérêts, et celui de l’armée ne pourrait prévaloir que grâce à l’action continuelle d’un gouvernement énergique, s’appuyant sur une majorité qui mettrait le patriotisme avant tout. Où est ce gouvernement ? Où est cette majorité ? Ce ne sont certainement pas ceux d’aujourd’hui. On n’a pas oublié la séance du Sénat où le général Langlois a montré, avec des argumens et des chiffres décisifs, le danger qu’il y avait à renvoyer, dès le 12 juillet, la classe de 1903. Sa parole nette et ferme a fait passer un frisson sur l’assemblée. Tout le monde a compris qu’il avait raison, qu’il disait la vérité, qu’il n’exagérait rien, et ce ne sont pas les pauvretés par lesquelles M. le ministre de la Guerre lui a répondu qui ont pu dissiper l’impression qu’il avait produite. Cependant, cette impression a été stérile ; il n’en est rien résulté du tout ; le vote ne s’en est nullement ressenti. Le renvoi anticipé de la classe de 1903 a été ordonné, en attendant celui de la classe de 1904 qui aura lieu dans trois mois, et pendant quelques semaines nous n’aurons qu’un squelette d’armée. Qu’arriverait-il si l’ennemi profitait d’un pareil moment pour se jeter sur nous ?