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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/72

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C’est proprement la grande maladie du temps, maladie tout opposée à celle de nos parens. Votre livre, de quelque manière que vous arrangiez les choses, la favorise au lieu de la combattre ; il pousse, malgré vous, à la mollesse l’âme de vos contemporains déjà trop molle. Cela ne m’empêche pas de voir ce qu’il y a de très remarquable dans votre œuvre et même de m’intéresser vivement à elle comme on le fait à ces mauvais sujets qui ont pour pères vos meilleurs amis et qui d’ailleurs, ce qui arrive souvent aux mauvais sujets, savent plaire. Mais je ne suis pas devenu assez allemand en étudiant la langue allemande pour que la nouveauté ou le mérite philosophique d’une idée me fasse oublier l’effet moral ou politique qu’elle peut produire. Il me faudra donc votre éloquence parlée pour me convaincre absolument.

Quant à l’Académie des sciences morales et politiques, je n’ai pas besoin de vous dire, mon cher ami, que j’abonde de tout cœur dans l’idée de Rémusat. A quelle section croit-il que puisse correspondre votre candidature ? J’imagine que ce ne peut être que celle d’histoire philosophique et générale ? Là Rémusat a une action considérable, puisque à cette section appartiennent Thiers, Mignet, Guizot, trois membres principaux qu’il peut dès à présent très bien disposer. Si j’étais à Paris, je me joindrais à lui très volontiers ; mais je ne reviendrai pas dans cette ville, comme je vous l’ai dit, avant le mois de mai. De loin en cette matière on ne peut rien, lorsqu’il n’y a pas, surtout, de vote proche. Savez-vous s’il y a des vacances dans cette section ? Car le nombre des correspondans est fixé. Quant à l’époque où il faudra poser ostensiblement et pousser vivement votre candidature, cela dépendra absolument du bruit que fera votre livre ou qu’il fait, car aucun bruit quelconque ne pénètre ici jusqu’à mon oreille. Une démarche préliminaire consisterait à offrir votre livre à l’Académie, si vous ne le lui avez déjà offert et d’arranger les choses pour que cette offre fût faite en votre nom par un membre qui attirerait l’attention du corps sur récrit. Rémusat vous rendrait facilement ce service. Dans tout ce qui pourra dépendre de moi, comptez, j’ai à peine besoin de vous le dire, sur ma bien sincère amitié. Si je n’aime pas beaucoup l’œuvre, j’aime l’auteur et cela vaut mieux, quoique peut-être cela ne vous satisfasse pas complètement. Comptez également sur Beaumont, je crois pouvoir le dire à l’avance.