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royales et les préventions soulevées par ce nom d’académie qu’elle portait. En effet on ne voit pas qu’elle ait été attaquée dans les premiers temps du XVIIIe siècle ; mais à mesure que la Révolution approche, elle devient à son tour suspecte. Sa constitution même la fait soupçonner d’aristocratie ; elle contient, en tête de ses listes, dix noms de membres honoraires, qui sont des grands personnages, en général étrangers à l’érudition, et qui n’ont d’autre raison d’y être que la protection qu’ils peuvent lui accorder[1]. On y trouve notamment les principaux ministres du Roi, le cardinal Dubois, le cardinal de Fleury, Pomponne, Daguesseau, Maurepas, etc. : c’était une mauvaise note à la veille de la Révolution. Vers la même époque, un reproche plus grave lui fut adressé, dont Chamfort, dans son Discours sur les Académies, s’est fait l’écho. On sait qu’elle avait été créée pour perpétuer la gloire de Louis XIV par des médailles, des devises, des inscriptions, et qu’elle se trouva un peu dépourvue à la fin du règne, quand les revers succédèrent aux victoires. Elle eut alors l’idée d’occuper son temps aux antiquités judaïques, grecques et romaines, dont elle fit l’objet de ses recherches. « Eh ! que ne s’y bornait-elle, dit Chamfort ; nous étions si reconnaissais d’avoir appris par elle ce qu’étaient, dans la Grèce, les dieux Cabires ; quels étaient les noms de tous les ustensiles composant la batterie de cuisine de Marc-Antoine ! Nous applaudissions à la découverte d’un vieux roi de Jérusalem, perdu, depuis dix-huit cents ans, dans un recoin de la chronologie ! » C’étaient au moins des travaux innocens. Malheureusement elle imagina d’y joindre l’étude des antiquités françaises, et ce fut « pour empoisonner les sources de notre histoire et mettre aux ordres du despotisme une érudition faussaire. » Dès lors ses membres les plus connus, Mabillon, Secousse, Foncemagne ne s’occupent qu’a glorifier la vieille royauté. C’est bien le moment ! Ne se sont-ils pas avisés de prétendre que c’était au Roi seul qu’appartenait le pouvoir législatif et de condamner d’avance l’Assemblée nationale, qui l’attribue à la nation. On voit bien que l’Académie à laquelle ils appartiennent est la II Ile de l’Académie française, « et une fille, ajoute Chamfort, digne de sa mère par le même esprit d’abjection. »

  1. Il avait été question d’établir aussi des membres honoraires à l’Académie française. Certains évêques et grands seigneurs le souhaitaient pour y siéger sans être confondus avec les gens de lettres. Louis XIV refusa. Il voulait qu’il y régnât la plus parfaite égalité.