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par exemple, qu’en 1792 elle est comprise dans le décret qui leur interdit à toutes de remplacer les membres qu’elles ont perdus ; mais en même temps on lui fait savoir que ce décret, ne la concerne pas, qu’on lui permet de ne pas l’appliquer, et elle continue en effet à faire ses élections comme autrefois. Si la commission n’agit pas avec plus de franchise, si elle se contredit et se cache, c’est évidemment qu’elle se heurte à un courant d’opinion qui l’inquiète. Elle redoute ceux qu’on appelle les enragés, qui demandent qu’on ne laisse rien debout de l’ancienne société, les gens à principes qui n’approuvent pas les demi-mesures, et qui veulent toujours aller plus loin que tout le monde. Il est bien possible que sur ceux-là le pamphlet de Marat ait eu quelque prise. Les brutalités de l’Ami du peuple étaient avidement accueillies de la foule, et il n’y a pas de raison qu’elles aient eu cette fois moins de succès qu’à l’ordinaire.

La Commission d’Instruction publique persista jusqu’à la fin dans les mêmes procédés. Au dernier moment, quand les Académies furent définitivement supprimées, son rapporteur, Grégoire, commença par couvrir de fleurs l’Académie des sciences, ce qui ne l’empêcha pas de la comprendre dans le décret qui les atteignait toutes ; seulement on eut soin de la prévenir quelques jours après « que les membres de la ci-devant Académie des Sciences pourraient continuer de s’assembler dans le lieu ordinaire de leurs séances, que les scellés seraient ôtés et les traitemens rétablis. » Mais l’Académie refusa les offres qu’on lui faisait. Sur la proposition de Lavoisier, elle ne voulut pas séparer son sort de celui des autres, et cessa de se réunir[1].


II

Il me reste à parler de l’Académie française. J’aurais beaucoup à en dire, car c’est à elle qu’on en voulait surtout, et on ne les a toutes frappées que pour être sûr de l’atteindre. Il nous faut donc avant tout chercher les causes de cette malveillance qu’on avait pour elle.

Elle était la plus ancienne et la plus célèbre de toutes ; elle éclipsait les autres, et quand en causant, on disait : « l’Académie, » sans rien ajouter, tout le monde savait bien que c’est d’elle

  1. Seule, la Commission des poids et mesures poursuivit ses travaux, et la Convention continua à la consulter.