touché de sa perte. Il faut qu’il y ait des gens bien abominables pour oser dire qu’il y ait contribué ; ils connaissent bien mal le cœur de ce prince, incapable d’une si horrible action… L’on commence à penser que Monsieur est un bon parti, et l’on m’en écrit déjà quelque chose, c’est un peu bientôt. Je ne laisse pas de me souhaiter à Paris… Je ferai tout ce que je pourrai pour avoir l’honneur de vous voir en passant ; deux jours ne me retarderont guère, et nous trouverons peut-être assez de choses à dire sur les conjonctures présentes, pour les bien employer… »
Ici, une lacune de plus de deux mois dans la correspondance ; les lettres ont sans doute été perdues. Quand elles reprennent, vers le commencement d’octobre, la Palatine est de retour à Paris. Elle a vu Monsieur, lui a soufflé de bonnes idées, et elle résume la situation en ces termes : « Je vous dirai seulement que le Roi désire le mariage avec Mlle d’Orléans, mais que Monsieur ne le veut pas. » Charles-Louis crut l’affaire manquée et répliqua : « (21 octobre)… Pour le mariage de Monsieur avec la princesse Electorale, il n’y faudra plus songer, puisque le Roi le désire autrement. » La Palatine s’entêta. Son amour-propre de femme politique était engagé, car il ne s’agissait pas seulement, dans la situation où se trouvait l’Allemagne vis-à-vis de la France, de procurer un bel établissement à une nièce pauvre. Liselotte belle-sœur de Louis XIV, c’était le Palatinat assuré d’un protecteur tout-puissant, c’était le pot de terre germanique sauvé des heurts de son voisin, le pot de fer français. La Palatine n’était pas seule à le croire, et les circonstances pressaient.
Si jamais l’Allemagne a été à deux doigts de subir la domination française, ce n’est pas au lendemain d’Iéna, c’est au beau temps du règne de Louis XIV, alors qu’une habile diplomatie nous avait donné pour pensionnaires force princes allemands restés gueux depuis la guerre de Trente Ans, et abandonnés dans leurs difficultés, ou à peu près, par leur recours naturel, l’empereur Léopold : « L’empereur (est) une faible assistance, écrivait la duchesse Sophie, dont le mari et les beaux-frères étaient acquis à la France. Il me semble que ses commandemens… ne sont nullement considérés dans l’Empire[1]. » Léopold était en effet un pauvre homme qui ne comptait point : « Je crains, disait encore la duchesse, que l’argent (du roi très
- ↑ La duchesse Sophie à Charles-Louis, lettres des 17 juin 1663 et 30 mai 1667.