Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/850

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre thèse, qu’on fît simplement pour le travail ce qu’on avait fait pour le capital. « Je veux, dit-il, l’égalité du travail et du capital et je demande pour le travail le droit commun, c’est-à-dire le droit pour tous ceux qui travaillent de se grouper et de jouir de l’existence civile, pour s’en servir aux fins qu’ils voudront, sous la réserve que celles-ci ne seront contraires ni à l’ordre public, ni aux bonnes mœurs. Et ici, je rencontre un vieux préjugé juridique qui, je dois le dire, m’a obsédé moi-même : c’est que toute société, pour avoir l’existence légale, doit poursuivre un but de bénéfice, de lucre. Quoique curieux des choses nouvelles, j’ai eu quelque peine à accepter cette théorie nouvelle, simple et pratique, émise par deux ingénieurs et industriels, et non par des jurisconsultes, que quand un groupement poursuit un but licite, il faut lui conférer une existence légale. De sorte que, dans ce système, toute association poursuivant ce but moral ou intellectuel serait reconnue par la loi comme un être juridique soumis au régime uniforme d’un droit commun nouveau. A cet être nouveau, il y aurait lieu de laisser la liberté d’action la plus complète. Mais, messieurs, ce qui caractérise le projet de loi, ce sont les restrictions et prohibitions de tous genres ; il est inspiré tout entier par la pensée d’empêcher les syndicats de vivre librement et, de ces unions professionnelles qui doivent constituer, comme les sociétés de capitaux, des organismes vivans, le projet fait des organismes mort-nés. Faisons donc une loi de droit commun, une loi juste, qui servira de type à toutes les associations qui naîtront sous son empire. Je voudrais que le Sénat pût édifier un projet de loi très simple sur les principes dégagés par ces publicistes. » M. Emile Dupont, vice-président de l’assemblée, exprima ensuite la même opinion : « En prenant, dit-il, l’initiative du projet de loi dont le Sénat est saisi, l’honorable M. Le Jeune obéissait à une pensée juste ; ce qu’il poursuivait, c’était, avant tout, une idée de justice et de conciliation entre les classes. Dans nos centres industriels, on manifeste toutefois des craintes sur les résultats de la loi ; certains ont prédit que, bien loin d’être des instrumens d’apaisement et de concorde, les unions professionnelles auront des résultats semblables à ceux qui ont été constatés en France. Pouvons-nous espérer, d’ailleurs, qu’une loi identique produira en Belgique des résultats plus avantageux ? La question se présentant toutefois avec les caractères d’une œuvre de justice et