Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/872

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II

Nous voyons le Congo français, dans ces dernières années, se définir, se dégager opportunément des liens parasites qui entravaient son développement. Les fonctions particulières des colonies groupées sous la direction du commissaire général sont chaque jour plus nettement spécialisées, et leur utilité apparaît mieux dans l’harmonie d’un organisme d’ensemble. Les pays du Chari et du Tchad, ainsi considérés, sont un indispensable boulevard de protection et pourront plus tard contribuer à l’alimentation du corps congolais. Ils sont assurément pauvres, et l’on aurait tort de conserver des illusions à leur égard, après la savante et consciencieuse mission de MM. Auguste Chevalier, Decorsse et Courtet (1903) ; cependant nous ne pouvons nous dispenser d’y entretenir une occupation de souveraineté. Nous nous trouvons là, en effet, à la jonction des pays découverts, où la circulation de bandes armées est facile, des forêts où vivent, sous une végétation écrasante, les populations primitives chez lesquelles les « Arabes » faisaient chasser l’esclave, jusqu’à l’arrivée des Européens. Les sultans indigènes du haut Oubangui, Gaourang, notre allié résigné du Baguirmi, Rabah auquel nous nous sommes heurtés près du Tchad, n’étaient naguère que des négriers, pareils à ces Tippo-Tib, à ces Raschid que l’Etat indépendant du Congo a vaincus, auprès du lac Tanganika, pendant la dure série de ses « campagnes arabes. » Plus instruits que les noirs fétichistes, entourés d’un appareil politique dont l’Islam était le ciment, ces civilisés relatifs cernaient de toutes parts la forêt équatoriale, asile de leur gibier humain ; ils marquaient leur passage d’une traînée de ruines et de sang, et les premières tribus noires rencontrées n’échappaient à leur sauvagerie qu’en acceptant d’eux des armes, un islam superficiel et lu charge de chasser pour leur compte, plus avant dans la forêt. L’occupation par les Européens a mis fin à ces hontes, et l’on ne saurait dire trop haut à quel point la guerre faite à ces brigands a été une œuvre supérieure de paix.

Installés auprès du Tchad et sur le Chari, nos postes forment, au tour des populations noires du Congo proprement dit, un indispensable cordon sanitaire. Certes, ces indigènes sont terriblement