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quand il n’y sera plus. C’est donc aux personnes morales, États et Sociétés, qu’il appartient de réagir contre ces tendances inéluctables, de se faire les protecteurs de l’avenir, là où toutes les conditions du milieu invitent les individus à ne se soucier que du présent : autant dire qu’il est utopique de prétendre administrer le Congo avec une poignée de fonctionnaires.

Songe-t-on à ces caractéristiques essentielles de l’espèce, lorsque l’on s’abandonne, à propos d’incidens mal connus ou grossis malignement, à des tirades déclamatoires sur de prétendus scandales coloniaux ? N’y a-t-il pas une contradiction cruelle à réclamer pour nos malfaiteurs métropolitains toutes les excuses des tares physiologiques et de l’hérédité, alors qu’on refuse toute indulgence à des accès de violence, d’ailleurs exceptionnels, qui relèveraient plutôt d’un médecin que d’un tribunal ? Est-il possible, en toute conscience, alors que l’on juge parmi tout le confort de notre civilisation peuplée de gendarmes, de condamner des malheureux en faveur desquels l’oppression seule du milieu constitue une circonstance atténuante, et presque un cas de légitime défense ? Que l’on nous comprenne bien, nous ne prétendons pas innocenter des faits unanimement et justement qualifiés crimes, mais bien mettre en garde certains critiques trop systématiques de notre administration congolaise, et les chefs mêmes de cette administration, qui mesurent volontiers sur d’extraordinaires résistances l’effort trop long qu’ils demandent à leurs collaborateurs. Sans doute, si ces vérités objectives eussent été mieux connues en France, aurait-on pu épargner au budget les grandes dépenses et à l’opinion publique l’inutile agitation de la dernière mission Brazza au Congo.

Cette mission n’aura pourtant pas été inutile, car elle a, pour quelques mois, mis le Congo au premier plan de l’actualité. Une observation s’est alors imposée à tous, qu’il eût été facile de dégager sans tant de fracas : le Congo est un pays naturellement riche, mais il manque d’argent. Et devant cette constatation qui, sur place, les avait depuis longtemps frappés, on n’est pas étonné que les chefs de l’administration locale aient cru devoir se préoccuper, immédiatement et avant tout, de trouver des ressources pour le budget congolais ; jamais ils n’ont montré tant d’activé ingéniosité qu’au cours des deux derniers exercices fiscaux. Empressés à obtenir des plus-values de l’impôt