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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les événemens qui se sont précipités au Maroc diminuent de beaucoup l’intérêt des incidens qui ont pu se produire ailleurs. Bien qu’ils fussent dans la logique et peut-être dans la fatalité des choses, ils étaient certainement imprévus, et il n’y avait, à vrai dire, aucune raison pour qu’ils éclatassent en ce moment plutôt qu’à un autre, ni pour qu’ils prissent précisément la forme qu’ils ont prise. Mais c’est le cas de répéter l’adage antique : fata viam invenient. La politique que nous avons inaugurée au Maroc, il y a quelques années, compromise par les déviations que certaines interventions européennes y ont introduites, devait amener les conséquences qu’on voit se dérouler. Nous n’avons d’ailleurs jamais cru, pour notre compte, à ce qu’on a appelé la pénétration pacifique du Maroc. Le Maroc est habité par une population en grande partie barbare, énergique, fanatique et guerrière : il était facile de prévoir qu’elle s’opposerait par la force à toute pénétration de l’étranger, quelle qu’en fût la forme. Il n’y a jamais eu d’illusion plus complète que celle qui consiste à croire que cette pénétration trouverait des facilités plus grandes en devenant scientifique ou industrielle. Le docteur Mauchamp a été assassiné à Marakech parce qu’il avait dressé sur sa maison des signaux qui se rapportaient à la télégraphie sans fil, et les pauvres ouvriers massacrés à Casablanca l’ont été parce qu’ils travaillaient, sous les ordres d’ingénieurs, à un meilleur aménagement du port. Ce sont des constatations qu’il est utile de faire pour dissiper certaines chimères ; mais, après les avoir faites, il n’y a pas lieu de s’y attarder aujourd’hui. La situation est assez grave pour qu’il faille l’envisager dans ses manifestations immédiates plutôt que dans ses causes lointaines. Tâchons de pourvoir au plus pressé.