Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au nord de l’Afrique : il en résulte pour nous des devoirs ultérieurs et des droits.

Pourquoi ne pas avouer que, de toutes les puissances, l’Allemagne est celle dont l’attitude nous intéressait le plus dans la circonstance actuelle ? Nous savions par avance, ou peu s’en faut, quelle serait celle des autres. Nous avons, en ce qui concerne le Maroc, des arrangemens particuliers avec l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie. Nous sommes alliés de la Russie. L’Autriche nous a habitués à sa bonne volonté lorsque ses intérêts ne sont pas en jeu, et ils n’y sont pas au Maroc. Les États-Unis nous ont toujours témoigné une confiance dont nous leur restons très reconnais sans. Toutes ces puissances devaient nous montrer des dispositions favorables ; mais rien ne nous assurait qu’il en serait de même de l’Allemagne. Celle-ci, en effet, malgré ses protestations contraires, n’a pas toujours considéré la question du Maroc en elle-même et pour elle-même ; elle s’est demandé quelquefois si elle ne pourrait pas en tirer parti en vue de sa politique générale, et s’en servir comme d’une pièce de cette politique. Tout cela appartient à un passé trop récent pour que nous l’ayons oublié : il pouvait en rester quelque incertitude dans notre esprit sur la manière dont notre action à Casablanca serait interprétée à Berlin. La notification que nous avons faite à toutes les puissances avait pour objet de dissiper le malentendu partout où il viendrait à se former. Il ne s’en est formé nulle part, et pas plus à Berlin qu’ailleurs. Notre parfaite loyauté n’y a pas été mise en doute. Notre attitude n’y a soulevé aucune objection. Au surplus, quoi de plus naturel ? L’Allemagne, si elle avait été à notre place, n’aurait-elle pas fait comme nous ? Une nation quelconque n’aurait-elle pas fait comme nous ? Pouvions-nous laisser assassiner nos nationaux dans un pays barbaresque, sans prendre les mesures que prennent en pareil cas toutes les nations civilisées pour réprimer des attentats que leur caractère rend odieux et que leur renouvellement rend intolérables ? Le sang français, le sang européen, ne saurait couler impunément en Afrique. Mais, quelque énergique qu’ait été notre action et qu’elle puisse être encore, nous ne manquerons à aucun de nos engagemens. Si nous frappons fort, c’est pour n’avoir pas à y revenir, et nous n’avons d’ailleurs frappé qu’aux endroits même qui nous avaient été en quelque sorte désignés et indiqués, à savoir une première fois sur la frontière algéro-marocaine, et une seconde sur un port de mer dont l’Espagne et nous devions organiser la police. Nous nous sommes simplement préparé les voies à Casablanca. Il était devenu