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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/97

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Quoi qu’il en soit, les amiraux Charner, en 1861, et Bonard en 1862, s’inspirant des documens de la mission Montigny, avaient noué avec la cour d’Oudong[1] quelques relations de simple courtoisie ou du moins de minime importance politique. Riais la bonne fortune de la France venait de donner pour successeur à ces officiers généraux, en qualité de commandant en chef de nos forces et de gouverneur de la Cochinchine, le contre-amiral de la Grandière : ce fut un bon serviteur du pays, et l’on s’accorde aujourd’hui à rendre hommage à sa mémoire. Par son caractère, sa fermeté, son bon sens, son esprit d’économie, par les choix heureux qu’il sut faire dans tous les corps de la marine pour y puiser des administrateurs de nos nouvelles provinces, il fit la Cochinchine, et c’est à lui en grande partie que nous devons de l’avoir conservée. Très promptement, il comprit la nécessité d’empêcher notre territoire de devenir un champ d’intrigues dangereuses et difficiles à contrôler et d’étendre notre suprématie sur le Cambodge ou du moins sur ce qui en restait : c’est ce qu’il fit en lui imposant notre protectorat, qu’on ne nous demandait plus.

À ce moment, et malgré le prestige que nous avaient acquis nos victoires sur les Annamites, le jeune roi Norodom n’était plus dans les idées de son père. Toutes ses tendances, comme celles de la plupart des princes de sa famille et des principaux mandarins, étaient tournées du côté du Siam. Aussi notre protectorat fut-il un échec grave pour la politique siamoise et une humiliation pour le gouvernement de Bangkok : il constitua contre le nôtre un grief très compréhensible.

L’amiral de la Grandière était obligé de consacrer toute son attention à l’organisation de notre conquête et à la préparation, sur les lieux mêmes et encore plus peut-être à Paris, où il y avait à surmonter tant d’obstacles, de la prise de possession de trois provinces cochinchinoises de l’Ouest (Vinh-long, Chaudoc et Hatien), qu’il occupait au milieu de l’année 1867. Pendant ce temps se passaient à Bangkok des événemens dont la répercussion fut incalculable. Ils ont pesé d’un poids insurmontable sur notre établissement, et nous ont valu la plupart des difficultés dont nous venons à peine de sortir.

L’agent du ministère des Affaires étrangères à Bangkok était

  1. Résidence royale, sur le bras du Lac, de 1834 à 1866.