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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/103

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leurs commandans. » Le maréchal en vit un, dont les rangs entiers tombaient, et qui ne se dérangeait pas. On lui dit que c’était le régiment des Vaisseaux. « Comment se peut-il, s’écria-t-il, que de telles troupes ne soient pas victorieuses ! »

Tout en songeant à faire un effort plus plein contre les Anglais, le maréchal de Saxe fit conjurer le Roi de se retirer. Il donna aussi l’ordre de faire évacuer Antoing par le régiment de Piémont. La bataille paraissait perdue. Autour du Roi, se tenait un conseil tumultueux. On le pressait de la part du général, et au nom de la France, de ne pas s’exposer davantage.

Alors intervint le duc de Richelieu. Ayant couru de tous côtés autour de la colonne anglaise, il se présenta hors d’haleine, couvert de poussière, l’épée à la main. « La bataille est gagnée, dit-il, si l’on fait avancer quatre canons contre le front de la colonne ; pendant que cette artillerie l’ébranlera, la Maison du Roi et les autres troupes l’entoureront… Il faut tomber sur elle comme des fourrageurs. »

Le Roi se rendit le premier à cette idée. Vingt personnes se détachèrent pour la faire exécuter. Les canons furent pointés. La Maison du Roi se précipita.

Apprenant la résolution du Roi, le maréchal décommanda l’évacuation d’Antoing ; et, malgré sa faiblesse, il se porta rapidement de la droite à la gauche, vers les Irlandais, « recommandant à toutes les troupes qu’il rencontra de ne plus faire de fausses charges et d’agir de concert… »

Et Voltaire termine en rappelant qu’attaqués de toutes parts, les bataillons anglais furent ouverts en sept ou huit minutes, et cédèrent le terrain sans tumulte, sans confusion. Ils furent vaincus avec honneur…

Quoique ce récit ait servi à former l’opinion générale sur la bataille de Fontenoy, il n’en a pas moins soulevé bien des critiques, bien des réclamations de la part des contemporains de Voltaire. On en trouve l’écho dans la Correspondance littéraire du baron de Grimm qui, à cette époque-là, séjourna longtemps à Paris, à divers titres, et en dernier lieu comme ministre plénipotentiaire de Saxe-Gotha.

Grimm s’indigne de voir Voltaire « glisser sur les monumens de gloire que le maréchal de Saxe s’est élevés, et enlever à ce héros le mérite de la victoire de Fontenoy, pour le donner tout entier au duc de Richelieu… M. de Richelieu s’inscrit en faux