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paternelle ne saurait être libre, même dans les limites du Code civil, aux mains des parens : elle doit être, en les droits peu nombreux qui la constituent, contrôlée, critiquée, restreinte, au besoin supprimée. C’est exactement l’idée contraire à celle qui avait inspiré les législateurs de 1804. Ils avaient dit : « Avec le droit de garde, l’usufruit légal, le droit de consentir au mariage et celui de correction, le père gouvernera ses enfans à sa guise.  » Cent ans plus tard, on peut constater que la puissance publique est sans cesse dans la famille. Il a suffi d’appliquer à tous les élémens de l’autorité paternelle le critérium de l’intérêt de l’enfant, et tous successivement se sont ébranlés : toutes ces cloisons qui enfermaient l’existence de la famille se sont ouvertes ou abattues. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Les articles du Code civil n’ont pas changé : le principe de l’autorité du père ou de la mère y reste toujours écrit. Mais si les parens placent leur enfant en nourrice, ils doivent en faire, sous peine d’amende, la déclaration à la mairie : dès que l’enfant a sept ans, ils doivent le mettre à l’école ; s’ils veulent ensuite le faire entrer à l’usine ou à l’atelier, ce ne sera qu’après quatorze ans, et à la condition de ne l’y laisser qu’un nombre d’heures déterminé. Si l’enfant, faute de surveillance, commet quelque crime ou délit, la garde pourra leur être enlevée. Si eux-mêmes donnent l’exemple de l’inconduite, c’est de toute la puissance paternelle qu’ils seront déchus. Si le père est veuf, les tribunaux décideront souverainement des visites, des séjours de son enfant auprès des parens maternels. S’il est divorcé, ils décideront de même que la mère, investie de la garde, dirigera seule l’éducation. Autant de cas, autant d’atteintes au droit de garde, exigées par l’intérêt de l’enfant. En est-il autrement du droit de correction, du droit de consentir au mariage ? Quant à l’envoi en correction, on a vu que la pratique du Tribunal de la Seine le surveillait rigoureusement, et, par une audacieuse interprétation des textes, arrivait à le supprimer toutes les fois qu’il ne paraissait pas s’exercer dans l’intérêt de l’enfant, surtout si l’enfant appartenait aux classes pauvres. Le consentement au mariage vient d’être aussi limité. Pour prolonger l’autorité paternelle et protéger la famille contre des alliances inconsidérées, le Code civil interdisait aux fils, jusqu’à vingt-cinq ans, de se marier sans consentement : dans l’intérêt des enfans, M. l’abbé Lemire a obtenu que le consentement ne serait plus nécessaire après la