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Oui, je veux pour lutter ton rire et ta chanson,
Tendre mes bras lassés à ta fraîche caresse,
Et, courbé sur ton sein alangui de tendresse,
Sentir ma force naître avec un grand frisson !


VIATIQUE D’AMOUR


Lorsqu’après ces huit jours d’effroyable torture,
On arracha ton corps inerte de mes bras,
Ce qu’il survint alors je ne m’en souviens pas,
Lentement s’écoulait le sang de ma blessure.

Il semble que j’errai par des villes sans nombre,
Comme un fauve blessé que guettent les corbeaux,
De son corps déchiré, va, semant les lambeaux,
Et cherche, pour mourir en silence, un coin d’ombre ;

Comme lui, je me suis traîné jusqu’au rivage
Où le blanc Pausilippe, aux feux dorés du soir,
Incline sa beauté sur l’immense miroir,
Que la mer a sculpté dans ce golfe sauvage.

Et je crus que la mort bénie et maternelle
Viendrait vers son enfant pour le prendre, ignorant
Que si tout ne demeure ici-bas qu’un instant,
La souffrance d’amour est la seule éternelle !

Alors, toujours suivi des grands oiseaux funèbres,
Qui se nomment chagrin, angoisse et désespoir,
Morne, épuisé, hagard et chancelant, un soir
Je me remis en route à travers les ténèbres.

Seigneur ! que celle-ci soit l’étape suprême !
Sur la route ma trace est peinte avec du sang,
Tout est fini pour moi, Dieu juste et tout-puissant,
Elle est loin… je ne puis la rejoindre… et je l’aime !