Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

circonstances étant ce qu’elles sont, il ne faille voir dans Moulaï-Hafid un instrument des passions déchaînées contre les étrangers.

Quoi qu’il en soit, une accalmie s’est produite autour de Casablanca : elle est due avant tout à la déception qu’ont éprouvée les Marocains quand ils ont vu tous leurs assauts repoussés, avec des pertes considérables pour eux et à peu près nulles pour nous. Ils ont déployé un courage et un acharnement qui auraient pu nous faire courir de réels dangers si nous nous étions étourdiment engagés dans l’intérieur du pays avec des forces insuffisantes, mais qui, dans les conditions où la lutte s’est produite, ont été vains. Leurs efforts se sont brisés contre les moyens d’action, que met entre nos mains une civilisation supérieure, cette civilisation qu’ils détestent parce qu’ils ne la connaissent encore que par ses rigueurs et qu’ils en ignorent les bienfaits. Les premiers résultats que nous avons atteints à assez bon compte nous donnent raison d’avoir, nous aussi, concentré nos efforts autour de Casablanca, sans perdre contact avec la mer et sans nous laisser entraîner, sous prétexte de chasser l’ennemi de crête en crête, à le suivre très avant dans les terres. Cette tactique nous a réussi, et nous devons y rester plus que jamais fidèles, parce qu’elle est à la fois efficace et économique, et qu’elle nous met à l’abri des surprises auxquelles un autre genre de guerre nous exposerait. Les choses se sont passées jusqu’à ce jour aussi bien que nous pouvions le désirer, mieux peut-être que nous ne pouvions l’espérer : il faut souhaiter qu’elles continuent de même, et que, l’ennemi venant nous chercher sur le point où nous sommes, et où nous disposons de notre maximum de force accumulée et concentrée, nous sauve de la tentation d’aller le chercher plus loin. Si l’accalmie actuelle provient chez les Marocains d’un découragement définitif, rien ne saurait être plus heureux ; mais si elle a pour objet de leur permettre de reprendre haleine, de se concerter, de se grouper et de revenir enfin à la charge avec de plus gros bataillons, attendons-les de pied ferme et infligeons-leur une seconde leçon à l’endroit même où nous leur en avons infligé une première. Puisque le virus qui circulait dans le Maroc s’est porté sur Casablanca, c’est là qu’il faut percer l’abcès et, s’il est possible, le vider. Souhaitons qu’il n’y ait ailleurs aucune diversion. Plus les Marocains viendront nombreux devant Casablanca, mieux cela vaudra pour nous. S’il nous était permis d’exprimer un souhait, ce serait que toutes leurs forces militaires s’y présentassent, en bloc ou successivement. Dans le premier cas, les opérations seraient plus courtes, dans le second, elles seraient plus longues, mais,