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fourchettes, huiliers, écuelles, sucriers, cafetières ; des armes de chasse, des gibecières, des plats et des assiettes d’étain ; des miroirs de toilette, des salières de cristal, douze chandeliers en argent haché, des « tableaux de médiocre prix pour des dessus de porte et de cheminée, » et toute la garde-robe de M. de Piolence. Les représentans de l’autorité allèrent jusqu’à mettre au pillage les archives du château et à s’emparer d’un certain nombre de vieilles gravures qu’ils répandirent ensuite dans les champs, ces images n’offrant à leurs yeux que peu d’intérêt. Ce qui ne put être emporté, comme les fauteuils, les chaises et les canapés, fut mis en pièces. On cassa les carreaux des fenêtres. Ici encore le pillage fut complet.

Une troupe d’argoulets et de gâpians s’étaient détachés de leurs camarades, pour se rendre au village de Rochefort, chez le curé « noble révérend Antoine de Galifet, » qui était connu pour un ami de Mandrin. Ils arrivèrent, eux aussi, en forcenés. Ils trouvèrent le prêtre dans sa cour, où, levé avant l’aube, il disait son bréviaire. Ces furieux réclamaient Mandrin ; ils voulaient « du clair » pour aller fouiller partout. A la lueur de quelques chandelles, les recherches furent poussées jusque dans l’église, jusque dans la grange qui était pleine de foin. Le curé craignait qu’on n’y mît le feu :

— Je me f… de toi, répondit le chef delà bande, et je m’embarrasse peu que ton presbytère soit brûlé !

Enfin, plusieurs soldats cherchèrent Mandrin dans la cave, où ils trouvèrent, en son lieu et place, du vin et du fruit dont ils se consolèrent.

Puis, ils rejoignirent, en bande, leurs camarades au château, sur la hauteur, où on les entendait tirer des coups de fusil, dans la nuit.

L’aurore mettait des reflets dorés sur les cimes des Alpes, quand nos héros, avec leur proie et leur butin, reprirent le chemin de France. Ils redescendirent la vallée du Paluel et arrivèrent à Avressieux.

Il était six heures du matin, quand le maître d’école, Daniel Bernard, qui était dans sa cour, vit approcher, à travers les prairies, cette troupe aux costumes bigarrés et étranges, des hommes chargés de paquets, armés de fusils, la baïonnette au canon. Ils se dirigeaient vers sa maison, où une quinzaine d’entre eux entrèrent avec fracas et se mirent tout d’abord à piller la