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Étant donné la manière dont Mandrin avait été arrêté, et en présence de la réclamation formelle qui avait été immédiatement introduite par Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne, Levet de Malaval avait le devoir de diriger lentement, sinon de suspendre sa procédure. Il mit les bouchées doubles. Mandrin dut subir deux interrogatoires par jour, de quatre heures chacun. Les confrontations et les témoignages les plus essentiels furent écartés, parce qu’on n’avait pas les gens sous la main. Il fallait gagner de vitesse les courriers dépêchés par le roi de Sardaigne. Ce match, où un magistrat s’est engagé, et dont le but est le supplice d’un homme, produit une impression sinistre. Bref. Malaval fit tant et si bien que le procès immense fut commencé, instruit, terminé, et le jugement prononcé en l’espace de douze jours. Les contemporains, qui n’étaient pas au fait du coup de main de Rochefort-en-Novalaise, en expriment leur étonnement.

Il arrivait parfois, dans la prison du Présidial, que l’on réunît Mandrin et son ami Saint-Pierre. Mandrin songeait aux conditions dans lesquelles il avait été pris. Il ne doutait pas qu’il ne fût réclamé par la cour de Sardaigne, et il pensa qu’il se trouvait un moyen de concilier le conflit sur le point d’éclater. On a vu son vif désir de prendre rang dans les armées du Roi.

Le capitaine de Larre avait témoigné des égards au magnifique bandit qu’il avait été saisir au château de Rochefort. A son adresse, Mandrin fit écrire, par son ami Saint-Pierre, le billet suivant :


« Monsieur,

« Celle-ci est pour vous prier de vouloir bien vous ressouvenir des bontés que vous avez eues pour moi et de vouloir me les continuer. J’espère que Monsieur ne m’a point abandonné et qu’il voudra bien me procurer les puissances de M. le colonel de La Morlière, et lui représenter que, s’il voulait bien me faire plaisir, que, chez lui, en moi, il pourrait se flatter d’avoir un soldat. »

Et il signait :

« Tout à vous,

L. MANDRIN. »