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les mains de ceux qui l’ont dilapidée ? » Usure, péculat, concussion, agiotage, accaparement, — dans son violent discours Carra touchait toutes les cordes. Les fermiers généraux furent mis en accusation. Les scellés furent apposés sur leurs papiers et une commission de liquidation fut nommée pour apurer leurs comptes.


La Commission de liquidation se mit à l’œuvre ; mais ses travaux n’avancèrent pas au gré des Conventionnels, de qui Barère résumait les sentimens en ce mot affreux :

« La guillotine sera meilleure financière que Cambon. »

Le 23 novembre 1793, comme il était question une fois de plus, au sein de la Convention, des comptes que devait rendre l’opulente compagnie, Bourdon de l’Oise se leva, et, dans un mouvement d’impatience :

— Voilà la centième fois que l’on parle des fermiers généraux ! Je demande que ces sangsues publiques soient arrêtées et que, si leur compte n’est pas remis dans un mois, la Convention les livre au glaive de la loi.

C’est ainsi que, le 24 novembre 1793 (4 frimaire an II), la Convention décréta d’arrestation tous les fermiers généraux qui avaient eu part aux trois derniers baux passés avec le gouvernement du Roi, à savoir les baux David (1774), Salzard (1780) et Mager (1786).

Le lendemain, 25 novembre, dix-neuf fermiers généraux étaient écroués au ci-devant couvent de Port-Royal, transformé en prison, sous le nom de Port-Libre, — un nom excellent pour une prison. L’emplacement en est aujourd’hui occupé par l’hôpital de la Maternité.

Lavoisier était en faction, comme soldat de la milice parisienne, quand il entendit les crieurs annoncer le décret de la Convention. Il se réfugia au Louvre dans le modeste appartement occupé par un huissier de l’Académie des Sciences ; mais en apprenant, le 28 novembre, l’arrestation de Paulze, son beau-père, qui était également fermier général, il courut à la prison prendre place auprès de lui.

Le 23 décembre 1793, les fermiers généraux furent transférés dans l’ancien hôtel des Fermes, rue de Grenelle-Saint-Honoré, transformé en geôle pour les recevoir.

On imagine si la presse du jour, si pamphlets et libelles redoublaient leurs attaques contre les financiers maudits, à