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à traiter M. Stolypine comme naguère le comte Witte, l’accusant d’être, lui aussi, traître au Tsar autocrate et à la cause nationale. C’est ainsi que, après d’infructueuses velléités d’entente avec le centre gauche constitutionnel, le premier ministre a été conduit à pactiser avec une politique qui ne semblait pas être la sienne, et dont le triomphe, à la prochaine Douma, aurait pour premier effet d’amener sa chute.

A la Ligue du peuple russe, à ses protecteurs secrets ou à ses inspirateurs avoués, le gouvernement, par la nouvelle loi électorale, devait d’abord donner satisfaction en abandonnant le principe de l’égale représentation des diverses provinces, sans distinction de nationalité et de religion. Première victoire de l’exclusivisme moscovite orthodoxe sur l’invasion du libéralisme occidental, victoire de la Ligue du peuple russe, à la fois anticatholique et antisémite, antipolonaise et antifinlandaise, ennemie de toutes franchises nationales et de tout particularisme, la loi électorale de 1907 a sacrifié la Pologne et toutes les oukraïnes. La mesure était grave ; elle pouvait être si grosse de dangers pour l’avenir de la Russie que les « hommes russes » ne l’eussent sans doute pas obtenue du gouvernement impérial, s’ils n’avaient, en cela au moins, été secondés à Pétersbourg et à Tsarskoïe Selo par une haute influence étrangère.


III

Ce n’est un secret pour personne de la Cour que l’empereur Nicolas II est, par caractère et par expérience, défiant des conseils de son entourage, toujours enclin à soupçonner des mobiles personnels aux suggestions de ses ministres, tandis qu’il prête volontiers l’oreille, les jugeant sans doute plus désintéressés, aux avis qui lui viennent de son impérial voisin d’Allemagne, soit qu’ils lui arrivent mystérieusement par voie cachée, soit qu’il les recueille lui-même, sur son yacht, en allant croiser sur les côtes de Finlande ou de Poméranie. On a beaucoup discuté, en Russie et en Europe, sur la direction et sur la portée des conseils donnés à l’empereur de Russie par l’empereur allemand. Les hauts fonctionnaires les mieux en cour ne nient pas l’importance de ces relations impériales, quoique aucun peut-être ne soit initié à ce qu’on pourrait appeler le secret du Tsar. « N’ayez crainte, me disait pour me rassurer, en mai dernier,