Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Courrier Européen, reproduit par la presse allemande, le grand romancier norvégien Biœrnstierne Biœrnson les accusait, à la veille de la dissolution de la seconde Douma, de s’être secrètement vendus au gouvernement russe. Ce n’est pas qu’il n’y eût en Pologne, comme dans le reste de l’Empire, des radicaux, des socialistes, des révolutionnaires, des terroristes ; mais au rebours des provinces russes, les partis de gauche avaient en Pologne partout succombé, même dans les grandes villes industrielles telles que Varsovie et Lodz. Sous l’étiquette de nationaux-démocrates, — de N. D. comme disent également Varsovie et Pétersbourg où l’on a pris l’habitude de désigner les partis d’après leurs initiales, — les députés de Pologne étaient des conservateurs libéraux, sans doute nationaux, c’est-à-dire polonais, mais loyalistes et catholiques, ennemis des révolutions et des procédés révolutionnaires, résolus à faire valoir les droits de leur nationalité par la sagesse et par les moyens légaux, attendant tout d’une entente avec le gouvernement souverain et avec les représentans élus du peuple russe, par cela même très désireux de contribuer à un accord entre le pouvoir impérial et la représentation nationale. Presque seuls dans la première Douma, ils s’étaient montrés opposés à de nouvelles lois agraires, aux projets d’expropriation en faveur du moujik, gardant sans doute rancune aux lois agraires de Milutine en 1864, ayant assez de voir leurs compatriotes de Posnanie exposés aux lois de spoliation qui se préparent contre eux à Berlin.

Dans la deuxième Douma, les Polonais s’étaient également tenus à l’écart des partis violens ; ils avaient d’habitude voté avec le centre de l’Assemblée, avec les constitutionnels démocrates assagis. Grâce à leur entente avec les Cadets et les élémens modérés, toutes les mesures révolutionnaires proposées par l’extrême gauche avaient été repoussées ; le budget était sérieusement étudié, le vote en était certain. Bien mieux, si la loi de recrutement avait passé, si la Douma avait adopté le projet et les chiffres du ministre de la Guerre, le gouvernement le devait au Kolo, au cercle polonais, cette fois encore allié aux Cadets contre les groupes de gauche. Le vote de la loi militaire parle Kolo avait même donné lieu, durant mon séjour à Pétersbourg, à une manifestation qui avait ému la Douma et la presse, réjoui tous les amis de la Russie et manifesté à l’Empire et au monde combien les Polonais d’aujourd’hui sont