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de la Révolution prolétarienne. Sur l’initiative des Français, le Congrès international décrétait la manifestation annuelle du premier Mai. Cette revue éclatante des forces et de la solidarité du prolétariat dans tous les pays, destinée à intimider les gouvernemens, était un manifeste de paix entre les nations et de guerre entre les classes qui ne connaissent plus de frontières. Le quatrième État présentait ses Cahiers à la bourgeoisie dominante et revendiquait la journée de huit heures, comme un premier pas vers l’affranchissement final. Le 1er mai effraya au début. À peu d’exceptions près, il est devenu un chômage inoffensif, auquel les masses ouvrières, sauf à Paris, ces dernières années, se montrent assez indifférentes. Le mouvement mondial est avorté.

À partir de 1889, les congrès internationaux se suivent à intervalles réguliers. Ils étaient le seul lien entre les partis socialistes des différens pays. On songea bientôt à établir entre eux des rapports durables. Au Congrès de Londres, en 1896, on vota l’établissement d’un bureau international permanent, analogue à l’ancien Conseil général de l’Internationale, qui ne fut réalisé qu’après le Congrès de Paris en 1900 : il siège à Bruxelles et convoque les délégués des différentes nations plusieurs fois par an, selon les conjonctures.

Les social-démocrates allemands ont pris la direction de ces congrès ; ils y ont exercé, jusqu’à ces dernières années une influence despotique, qui portait atteinte à l’indépendance des divers partis socialistes, ne tenait aucun compte des particularités de tempérament, des opportunités politiques dans les autres pays, et tendait à imposer partout un esprit pangermanique. Les causes de cette prépondérance s’expliquent aisément. Le centre de gravité du mouvement socialiste, après la guerre de 1870 et l’écrasement de la Commune, a passé de France en Allemagne. Les socialistes allemands ont bénéficié de la victoire des armes allemandes. Ils ont eu leur part du prestige qui s’attachait aux institutions de la Prusse et de l’Allemagne organisatrices, triomphant du désordre et de la désorganisation françaises. L’Allemagne fournissait les doctrines socialistes. Le Capital de Karl Marx est devenu la Bible du socialisme contemporain : son interprète infaillible, Kautsky, son critique et son exégète, Bernstein, appartiennent à la social-démocratie allemande. Les Allemands revendiquent le monopole de la pensée socialiste.