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disposeront légalement de la force publique. Les révolutions ne se font pas contre l’armée, mais avec elle. D’ici là, en cas de guerre, Guesde, Bebel et leurs partisans sont hostiles à toute action indépendante des socialistes, parce qu’ils la jugent frappée d’impuissance. La motion proposée au Congrès donne pleine satisfaction à cette tactique dans le passage suivant :

Les guerres sont donc de l’essence du capitalisme et ne cesseront que par la suppression du système capitaliste, ou bien quand la grandeur des sacrifices en hommes et en argent exigée par le développement technique militaire et la révolte provoquée par les armemens auront poussé les peuples à renoncer à ce système.

Un peu plus loin, la même motion soutient la thèse diamétralement opposée, cette que M. Hervé, M. Jaurès, M. Vaillant ont fait voter au Congrès de Nancy contre M. Guesde, qu’ils ont défendue à Stuttgart contre Bebel, et qui recommande une action énergique, une propagande spéciale contre une guerre imminente, action et propagande dont les lignes précédentes indiquaient implicitement l’inanité :

Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir pour la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentais dans les Parlemens, avec l’aide du Bureau international, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraissent le mieux appropriés et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte de classe et la situation politique générale. Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste.

Cela revient à dire qu’on aura recours, le cas échéant, à l’insurrection et à la grève. Le sens de la motion de Nancy est là tout entier, à défaut des mots inacceptables pour les Allemands. Au lieu de désigner et d’énumérer les moyens à employer dans l’avenir sous forme de vœux, la motion rappelle ceux qui ont été employés dans le passé, et l’énumération en apparaît singulièrement exagérée : l’entente des Trade-Unions anglaises et des syndicats ouvriers français après Fachoda, pour assurer la paix, l’action du parti socialiste au Parlement français et au Parlement allemand dans la crise du Maroc… les héroïques sacrifices des socialistes de Russie et de Pologne pour