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n’avait jamais pu monter à cheval sans être aidé pour s’élever sur l’étrier. » À cette époque de sa vie, son obésité avait augmenté, et il était devenu lourd et impotent au point d’être dans l’impossibilité de s’associer à une action belliqueuse. En revanche, son instruction solide, son esprit délié et curieux l’avaient préparé de bonne heure aux finesses de la politique, et c’est par les voies savantes de la diplomatie qu’il prépare l’exécution de ses desseins. Dans les circonstances les plus critiques, sa fermeté, sa force d’âme, sa volonté demeureront inébranlables, et, dans les plus cruelles épreuves, il saura maintenir ses droits, et sauvegarder la dignité royale en défendant sans jamais faillir les prérogatives dont il aura, en des temps bien difficiles, conservé intact le dépôt.

Le marquis de Contades nous a laissé, dans ses Souvenirs, de piquantes appréciations sur la favorite : « Mme de Balbi, dit-il, femme vraiment extraordinaire par son esprit naturel, a trop marqué à Coblentz, pour que je ne parle pas d’elle, et ce sera, je le jure, avec la plus grande franchise. Jamais femme, peut-être, n’a été plus généralement détestée, sans que j’aie pu découvrir un fait justifiant cette haine universelle. Je n’allais ni dans un lieu public, ni dans une société particulière que je n’entendisse dire du mal d’elle, lui adresser même les reproches les plus graves, et je n’ai jamais vu en prouver un seul. Je la défendais toujours, car je ne regarde pas comme un tort de ne pas plaire à un public malintentionné, et je voulais, d’ailleurs, mettre dans le cas de prouver les faits que l’on avançait contre elle. Ils n’étaient jamais appuyés que sur des on-dit, et des propos des Trois-Couronnes[1]. L’on ne doit, du reste, bien souvent, l’aversion ou la bienveillance générale qu’à quatre ou cinq personnes. Le bon ton à Coblentz était de dire du mal de Mme de Balbi, qui ne faisait point de frais pour faire changer cela. Haute et fière, sûre de l’attachement de Monsieur, elle bravait l’opinion publique et souriait de voir, le soir, tout ce Coblentz malveillant à ses pieds… On trouvait que Mme de Balbi se mêlait trop de la maison de Monsieur ; si elle lui a donné des conseils, ils se sont ressentis à coup sûr de l’énergie de son caractère. Plût à Dieu qu’une semblable énergie se fût communiquée à tous les souverains, et qu’on eût toujours écarté les conseillers trop timides ! Que de femmes

  1. Principal hôtel de Coblentz où se réunissaient les émigrés.