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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/546

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du même pas. Et ces excitateurs ou promoteurs de l’industrie et du commerce, s’ils s’appliquent à paralyser les crises ou à les prévenir de leur mieux, s’ils peuvent aider au courant naturel des choses, seraient incapables de le créer artificiellement, moins encore de lui barrer la route.

S’ils font des sottises, ils les paient de leur poche, je veux dire de celle de leurs actionnaires. C’est en cela que ces organismes privés, pour grands qu’ils soient déjà ou qu’ils sont destinés à le devenir, car ils grandiront et se multiplieront dans l’avenir plutôt qu’ils ne disparaîtront, diffèrent radicalement de la conception socialiste de l’Etat raffineur, mineur, fondeur et bâtisseur, fabricant de rails, de meubles, de chapeaux et de jambons ; l’État ne risquant autre chose, s’il mangeait de l’argent, — notre argent, — dans ses affaires, qu’une interpellation gratuite et un ordre du jour béatement désapprobatif.

Quel que soit son objet, tout trust, effectuant forcément de grands mouvemens de marchandises, est pour les chemins de fer un client exceptionnel. Empêcher ce client exceptionnel de jouir, d’une façon ostensible ou occulte, d’un traitement privilégié, de rabais, remises ou ristournes quelconques, est un vœu très net de l’opinion traduit dans des lois jusqu’ici assez impuissantes. Cependant, si la sentence retentissante qui condamnait en août dernier le trust du pétrole à une amende de 146 millions de francs, comme coupable d’avoir obtenu du Chicago and Altona Rail-road des réductions de tarifs, n’a aucune chance d’être maintenue en appel, d’abord par la Cour de circuit et, éventuellement, par la Cour suprême, elle aura néanmoins un effet moral. Il était impossible à une compagnie de résister aux demandes de tarifs réduits, formulées par de gros cliens, ni d’empêcher que ces réductions, une fois connues des autres réseaux ou des autres cliens, ne devinssent générales. De sorte que la suppression effective de ces rabais, qui ont été depuis plusieurs années une cause permanente de troubles, rendra service aux chemins de fer eux-mêmes.

Que la constitution financière des trusts ait prêté le flanc à la critique, c’est un fait notoire. Chacun d’eux n’est autre chose que la représentation d’un nombre varié d’anciennes usines, d’anciennes sociétés : le trust des locomotives en englobait huit, celui de l’acier en groupait onze, celui du tabac douze, celui des wagons treize, celui des laines trente-trois, et celui des pétroles