Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/564

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait avoir le sang-froid, ou plutôt la puérilité, d’une telle comédie ; ni ce qui pouvait l’amuser dans une mystification faite à des gens tout à fait dans sa dépendance.

Le mardi 27, j’appris par une trentaine d’ouvriers de diverses professions, qui travaillaient chez moi et venaient de différens quartiers, l’agitation répandue dans la ville. J’en trouvai beaucoup parmi eux, mais fondée sur des raisonnemens si sages que j’en fus surprise.

Je ne puis m’empêcher de consigner ici une remarque faite à cette époque. J’avais arrangé une maison en 1819 et employé les mêmes sortes d’ouvriers qu’en 1830. Mais, dans ces dix années, il s’était établi une telle différence dans les façons, les habitudes, le costume, le langage de ces hommes, qu’ils ne paraissaient plus appartenir à la même classe.

J’étais déjà très frappée de leur intelligence, de leur politesse sans obséquiosité, de leur manière prompte et scientifique de prendre leurs mesures, de leurs connaissances chimiques sur les effets des ingrédiens qu’ils employaient. Je le fus encore bien davantage de leurs raisonnemens sur le danger de ces fatales ordonnances. Ils en apercevaient toute la portée aussi bien que les résultats probables.

Si ceux qui nous gouvernaient avaient eu la moitié autant de prévoyance et de prudence, le roi Charles X serait encore bien paisiblement aux Tuileries.

Sans doute une population ainsi faite était impossible à exploiter au profit d’une caste privilégiée. Mais si on avait voulu entrer dans le véritable intérêt du pays, elle se serait montrée facile autant que sage ; et on aurait trouvé secours et assistance dans le bon sens des masses contre l’effervescence de quelques brouillons. Malheureusement, le Roi et la nation se tenaient mutuellement pour incompatibles.


Nous ne suivrons pas Mme de Boigne dans les détails qu’elle donne sur le mouvement de la rue et sur les combats qui s’y livrent, bien qu’ils soient pleins d’intérêt et qu’ils apportent parfois à l’histoire des renseignemens nouveaux. Elle indique, par exemple, avec beaucoup de précision comment l’insurrection s’est spontanément organisée et par qui elle a été dirigée.


La seule autorité reconnue, dit-elle, était celle des élèves de l’Ecole polytechnique ; ils s’étaient distribué tous les postes. En outre de la bravoure qu’ils avaient montrée dans les combats de