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s’y prendrait pour faire avorter la sotte pensée, venue à quelques uns de ses collègues, de se rendre à Rambouillet. La question ne lui semblait plus ni délicate ni embarrassante ; il était revenu à tous ses argumens de la veille contre la branche aînée et en faveur de celle d’Orléans. Il était impossible d’être plus clair et plus logique.

Après beaucoup de considérations générales, il me donna des instructions de détail sur la meilleure conduite à tenir vis-à-vis du corps diplomatique.

Je lui demandai s’il me permettait de dire que ces conseils venaient de lui. Non seulement il me le permettait, mais il m’en priait, aussi bien que d’y ajouter les expressions de son plus entier dévouement. Il me répéta encore plusieurs fois : « Ils doivent régner et en proclamer hautement la volonté. »

Nous nous séparâmes les meilleurs amis du monde. Il attendait ses collègues pour décider du parti à prendre. Fallait-il rester à Paris ou se rendre à Rambouillet ? Sans doute ils durent trouver une grande différence entre cette conférence et les conversations du matin.

Si l’incurie qui a accompagné toutes les démarches de la Cour n’avait pas fait négliger de prévenir le corps diplomatique en quittant Saint-Cloud, il est bien probable, d’après les dispositions où j’avais trouvé Pozzo, que l’avis de ceux qui voulaient rejoindre le Roi aurait prévalu ; et que le départ aurait été décidé avant mon retour de Neuilly.

Mais depuis le lundi où M. de Polignac avait déclaré, dans une si pleine confiance, la France préparée à subir toutes les volontés du Roi, il n’avait pris la peine de communiquer, sur quoi que ce soit, avec aucun des ambassadeurs ; pas même avec ses plus affidés, comme MM. d’Apponyi et de Sales[1], qui approuvaient pleinement les ordonnances.

Au reste, l’espèce de honte où ils étaient d’être tombés dans cette erreur leur fit renoncer plus facilement au projet du départ. Ils l’avaient formé avec le nonce. Castelcicala hésitait. Sir Charles Stuart s’y opposait. Pozzo, en entraînant M. de Werther, trancha la question de ce côté.

Mais l’argument le plus concluant à faire valoir, dans leurs idées diplomatiques, porta sur ce qu’ils n’avaient pas été appelés

  1. M. de Sales, ambassadeur de Sardaigne à Paris.