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qu’au projet formé par le corps diplomatique de se rendre à Rambouillet et que Pozzo avait déjoué.

Je n’en ai pas su davantage. Mes rapports d’intimité avec l’ambassadeur ne me permettaient pas de presser Lobinski de questions.

M. Pasquier arriva, nous attendîmes la fin de la conférence avec Pozzo, qui fut fort longue. Aussitôt que je le vis sortir, je menai M. Pasquier dans le salon, où il devait le remplacer, et je me retirai. On voit que je n’ai guère été dans tout cela que la mouche du coche.

J’avais remarqué dans ma course du matin que les fiacres commençaient à circuler, quoique difficilement. J’en avais envoyé chercher un ; et, lorsque M. Pasquier eut quitté Mademoiselle, je lui proposai de s’en servir plutôt que de retourner à pied. Elle y consentit, et nous y montâmes.

Elle me dit avoir été contente de M. Pasquier : « On voit, ajouta-t-elle, que c’est un homme accoutumé à envisager les questions sous toutes les faces. Et, pour vaincre les obstacles, c’est un grand moyen de les avoir prévus. Mais on voit aussi qu’il est peu pressé de s’engager. Évidemment, il s’est trouvé dans bien des révolutions et il les redoute.

« Mais de qui j’ai été enchantée, c’est de notre bon Pozzo. Il est parfait, ma chère madame de Boigne, parfait, c’est tout à fait un de nous. Il m’a raconté cette dépêche qu’il a été signer, nous ne l’aurions pas faite autrement ! Il me tarde fort qu’il puisse voir mon frère. J’espère arranger cela pour la nuit prochaine. Au reste, le plus essentiel est déjà accompli, la décision qu’il a fait prendre au corps diplomatique de rester à Paris, et l’expédition de ces bonnes dépêches. »

Nous devisâmes sur ce sujet et sur plusieurs autres pendant la route. Elle n’offrit d’autre inconvénient que de nombreux et affreux cahots. Je fis arrêter dans la rue de Valois, j’accompagnai Mademoiselle par l’escalier de la tourelle. Et une fois que j’eus vu la porte de son appartement fermée sur elle, je regagnai mon fiacre et revins chez moi.

Après avoir fait semblant de dîner, car l’excessive chaleur, la fatigue, l’agitation, empêchaient de manger presque autant que de dormir, je remontai dans un fiacre pour aller voir Mme Récamier. Elle m’attendait avec impatience pour m’entretenir de M. de Chateaubriand.