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aucun des rêves, fussent les plus fugitifs, qu’il avait pu former. Ayant vu successivement mourir Chevreuse et Beauvilliers, ayant conservé, comme il l’écrivait à la duchesse de Beauvilliers, « le cœur toujours malade, » depuis la perte irréparable de celui qu’il continuait d’appeler le Petit Prince, devenu « un squelette qui marche et qui parle, » mais toujours ardent à ses devoirs et fidèle aux affections qui lui restaient, il devait mourir quelques mois avant Louis XIV, le dernier de ce petit troupeau qu’il avait rassemblé autour de lui, dont les fidèles avaient ajourné à la fin du règne la réalisation de leurs nobles rêves, et que le vieux monarque devait tous ensevelir.


V

La mort simultanée de l’héritier présomptif du trône et de celle qui déjà tenait presque le rang de reine amenait ce que, en style administratif moderne, on appellerait la liquidation de leur maison. Le Roi s’en occupa lui-même. Faisons pour la dernière fois passer sous les yeux du lecteur des noms que nous avons essayé de lui rendre familiers. La duchesse du Lude, âgée, infirme, que de violens accès de goutte avaient fréquemment empêchée de remplir son service auprès de la Duchesse de Bourgogne, reçut une pension de douze mille livres. Elle mourut en 1726. La comtesse de Mailly, cette nièce de Mme de Maintenon « qui n’avait point de chausses, » se vit conserver les neuf mille livres qu’elle avait comme dame d’atour. Les dames du palais reçurent chacune six mille livres. Dangeau, comme chevalier d’honneur, en reçut douze mille, et même somme fut attribuée au fidèle écuyer Tessé, qui avait vu mourir sous ses yeux la Duchesse de Bourgogne, et qui écrivait, le lendemain, à la princesse des Ursins : « Malgré l’usage ordinaire d’éviter la vue des morts, j’ai rassasié la mienne tant que j’ai pu du spectacle affreux de n’avoir point cessé de la voir, tant que sa figure a été ostensible[1]. » Les menins du Duc de Bourgogne reçurent chacun six mille livres. Médecins, chirurgiens (dont les services avaient été si malheureux), valets de chambre ou de garde-robe furent compris dans la distribution. La nourrice même du petit

  1. Lettres du maréchal de Tessé publiées par le comte de Rambuteau, p. 367.