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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/662

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croit y reconnaître la main des Jésuites. « Ce mémoire, disait-il, a tout l’air d’une copie faite sur un brouillon de l’ancien précepteur ou de quelque Jésuite de Cour. » Petitpied allait si loin dans ses attaques que, par arrêt du 17 juin 1712, le Parlement condamna au feu ses Réflexions. Quant au mémoire lui-même, il fut envoyé par ordre du Roi à tous les évêques « avec ordre de mander en Cour l’impression qu’il avoit faite sur eux[1], » et le Pape répondit à cette publication par un bref où, appliquant au Duc de Bourgogne un mot ancien, il le louait « de s’être expliqué, comme auroit pu le faire, non un empereur, mais un évêque. »

Le Roi avait également à dépouiller les papiers de la Duchesse de Bourgogne. Ces papiers étaient dans la cassette que la pauvre princesse s’était fait apporter sur son lit de mort, alors qu’elle était troublée de la pensée des dettes qu’elle laissait, et qu’elle n’avait pas eu la force d’ouvrir. Le Roi se la fit remettre et l’ouvrit, assisté de la seule Mme de Maintenon. Qu’y trouva-t-il ? Personne ne peut le dire, puisqu’il n’y avait point de tiers, mais c’est ici le lieu de détruire définitivement la légende d’après laquelle il y aurait découvert la preuve de sa trahison. C’est Duclos qui a mis en circulation cette légende calomnieuse. Voici ce qu’il raconte dans ses Mémoires secrets. « Cet enfant, si séduisant et si cher au Roi, n’en trahissoit pas moins l’État en instruisant son père, alors duc de Savoie et notre ennemi, de tous les projets militaires qu’elle trouvoit moyen de lire. » Le Roi en eut la preuve par les lettres qu’il trouva dans la cassette de cette princesse, après sa mort. « La petite coquine, dit-il à Mme de Maintenon, nous trompoit[2]. »

Est-il besoin de faire ressortir l’invraisemblance de cette accusation ? Qui aurait mis en circulation ce propos de Louis XIV ? Pas Mme de Maintenon, à coup sûr. Qui alors ? De quel survivant du grand règne Duclos a-t-il pu le tenir ? Notons qu’il avait huit ans lors de la mort de la Duchesse de Bourgogne, qu’il était d’extraction modeste, sans relations naturelles avec le monde de la Cour, qu’il n’a point dû connaître personnellement les contemporains de Louis XIV, et que, nommé historiographe de France en 1750, il n’aurait pu composer ses

  1. Albert Leroy, la France et Rome, p. 410 et suiv.
  2. Collection des Mémoires relatifs à l’Histoire de France par Petitot. et Monmerqué, seconde série, t. 76, p. 8.