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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/677

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à Berlin, on répudia le projet de nomination de Munchen, parce que sa rétractation apparaissait comme une condamnation publique des maximes de l’ancien règne. Frédéric-Guillaume IV voulait bien faire une résipiscence, mais non point la souligner. Les changemens les plus profonds, en matière de politique religieuse, sont ceux auxquels l’unanime discrétion des partis permet d’être imperceptibles ; on les sent plutôt qu’on ne les prouve, on les devine plutôt qu’on ne les constate. Les succès les plus durables sont consolidés par le silence et compromis, au contraire, par les éclats de l’allégresse ; à peine ceux qui les recueillent ont-ils le droit de s’en honorer de leur vivant ; c’est presque les remettre en question que d’en parler.

Pour profiter de la constitution, pour tenir en échec les susceptibilités de l’administration, pour faciliter aux membres de la « division catholique » leur politique de cordialités efficaces, pour aider enfin les sympathies royales à s’épanouir tout à leur aise, l’Eglise de Prusse devait jouir sans emphase de ses libertés nouvelles, s’en réjouir sans arrogance, les défendre sans provocation, les accroître sans fracas, et c’est merveille de voir comment elle fut guidée, dans cet apprentissage délicat et subtil, par un fils de paysan, qui avait conquis de sérieuses amitiés à la cour de Munich et à la cour de Berlin, par un Bavarois d’origine, que le roi de Prusse se plaisait à considérer comme une façon de primat religieux, par un Allemand du Sud, dont la houlette savait planer, majestueuse et discrète, sur les vastes étendues de l’Allemagne du Nord.


II

Il s’appelait Jean Geissel, occupait depuis 1842 le siège de Cologne, et l’assemblée épiscopale de Wurzbourg en 1848 avait concentré sur lui les regards de l’Allemagne. Entre souverains on s’enviait Geissel, on se le disputait. La Bavière, qui l’avait fait tout d’abord évêque de Spire, multiplia les efforts, en 1855, pour le reprendre au roi de Prusse et à l’Eglise de Cologne et pour l’installer à l’archevêché de Munich. Maximilien de Bavière, Frédéric-Guillaume IV de Prusse, et plus tard la reine Augusta de Prusse, lui témoignèrent attachement et confiance. Rien de commun, ici, avec les sentimens dont un souverain condescendant honore un préfet correct et dévoué. Geissel, que chacun