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des consciences catholiques de Prusse auprès du roi de Prusse, il devenait en quelque façon le plénipotentiaire de l’Église elle-même, par le docile souci qu’il affichait de n’avoir d’autres inspirations que celles de Pie IX.

Il faudrait remonter jusqu’à saint Boniface pour trouver en Allemagne une personnalité sacerdotale dans laquelle l’esprit romain fût aussi fidèlement incarné ; car, à la différence de certains prélats de l’époque, qui ne prenaient à Rome que des leçons de fermeté, on admirait, en Geissel, comment à l’intransigeance romaine se joignait la souplesse romaine, et comment se conciliaient, dans sa conduite, avec la stricte inflexibilité des principes, les alertes compromis de l’action quotidienne. Il ne fut jamais une gêne, mais toujours un soutien, pour le petit groupe de députés catholiques qui, dans la Chambre berlinoise, réclamaient la liberté pour toutes les confessions ; jamais il ne lui vint à la pensée de les inculper d’un « libéralisme » coupable ou de les accuser de ne point défendre les droits de l’Eglise comme les droits d’une « société parfaite » méritent d’être défendus ; et sa pondération d’esprit, qui savait comprendre toutes les nécessités tactiques, permit aux catholiques rhénans de se mettre, politiquement, à l’école de Montalembert.


III

Henri Heine, en 1835, affectait de distinguer le parti catholique français et les « drôles qui portaient le même nom en Allemagne. » L’insolence visait Goerres et ses amis. Elle cessa bientôt d’être de mise : car, aux alentours de 1848, c’est au contraire le parti catholique français, et spécialement l’Association fondée par Montalembert, qui concentraient les regards des catholiques prussiens et qui suscitaient leur imitation. La France leur donnait des leçons et des exemples ; ils avaient, comme Montalembert et ses amis, une façon catholique d’être libéraux, une façon libérale d’être catholiques. Oppressé par le grand silence de l’Empire, Montalembert se rajeunissait et se consolait en regardant au loin la fraction catholique prussienne ; il lui semblait que son ambition constante de voir le catholicisme jouer un rôle dans la vie publique avait enfin trouvé, sur les bords de la Sprée, un écho durable et un terrain propice. C’est le 30 novembre 1852 que la fraction s’était formée : « Vous réalisez, écrivait-il à