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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/688

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du 10 juillet, leur donna une sorte de sanction officielle. La première circulaire, adressée à tous les présidens des provinces, les invitait, non seulement à surveiller de très près les missions, mais à les prohiber lorsque les paroisses catholiques où elles devaient être prêchées étaient situées dans des provinces protestantes. La seconde circulaire, qui visait spécialement la province de Coblentz, interdisait aux clercs d’aller étudier au Collège germanique de Rome ou dans un séminaire dirigé par les Jésuites sans en avoir obtenu l’agrément de l’Etat, et refusait aux Jésuites étrangers le droit de s’installer en Prusse.

Geissel fut très contrarié, d’autant qu’il entrevoyait, dans ces ukases imprévus, la conséquence de certaines maladresses catholiques : « Çà et là dans nos journaux, écrivait-il au nonce Viale Prela, on a fait trop de bruit des effets des missions, en se targuant emphatiquement de la victoire du catholicisme et en pronostiquant la fin prochaine du protestantisme. » Il avait suffi de quelques exubérances de langage pour remettre en question la liberté même qu’avait accordée aux catholiques la Constitution prussienne : les évêques, en août, rédigèrent un mémoire dans lequel ils s’appuyèrent sur la constitution royale contre l’acte ministériel ; et ce fut l’émoi des évêques, partagé par les laïques, qui amena les députés catholiques à se constituer en une fraction. Evêques et députés avaient la partie belle : le Roi leur était propice. Le bruit se répandit, en décembre, que Frédéric-Guillaume IV consultait Radowitz sur les choses catholiques, et qu’il songeait à le choisir comme intermédiaire pour des négociations avec les évêques. L’intolérance piétiste s’alarmait : « Cela peut nous mener, écrivait Léopold de Gerlach, à toutes les faiblesses de concession, et aux pires conséquences. » « Voilà longtemps, observait Westphalen, que l’Ecclesia militans, là où elle n’est pas déjà triumphans, est en marche. » Les alarmes de Niebuhr faisaient écho ; et Bodelschwingh songeait à créer, dans la Chambre, une fraction évangélique pour rappeler à l’État prussien son devoir. Car, au milieu du bruit qu’on faisait des deux circulaires, les gens informés discernaient une voix, chuchotant à qui voulait l’entendre que la portée de ces actes était restreinte, et qu’en fait, l’État et les catholiques s’entendraient : cette voix n’était autre que celle de Raumer. Après avoir inquiété les catholiques par ses circulaires, il inquiétait les protestans par ses propos.