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avec leurs tours d’angle, lourdes, ventrues, couvertes de toitures en forme de champignons pointus, et arrivèrent à la porte Pannessac, où ils engagèrent la file de leurs chevaux. Ils suivirent la rue Pannessac jusqu’à la rue du Consulat où se trouvait l’entrepôt des tabacs tenu par M. Dupin. Les Mandrins étaient coiffés de leurs chapeaux à larges bords, ils avaient le corps enveloppé de grandes houppelandes, qui laissaient passer le canon luisant des fusils ; leurs valets faisaient avancer à coups de bourrades les chevaux chargés de bennes et de ballots. « Ils avaient fait annoncer qu’ils ne feraient aucun mal aux habitans paisibles, mais que, sur leur parcours, on se gardât de mettre la tête derrière les volets entre-bâillés, qu’ils prendraient cette posture pour un danger ou une menace… Cependant derrière les vitres, beaucoup de personnes regardaient le défilé. »

Le capitaine général des Fermes, M. Le Juge, avait garni d’hommes et de munitions la maison de l’entreposeur ; il y avait installé un arsenal de fusils avec de la poudre et des balles ; il y avait fait porter des monceaux de pierres dans les étages supérieurs pour en accabler les assaillans.

Durant que la majeure partie des contrebandiers se répandaient dans la ville à la recherche du logis nécessaire aux hommes et aux chevaux, vingt ou trente d’entre eux gravissaient l’étroite ruelle montante où se trouvait la maison du sieur Faure, marchand, dans laquelle était établi l’entrepôt de M. Dupin. Mandrin et ses compagnons arrivaient en face de la maison, dont les portes aux fortes serrures et les lourds volets de bois étaient fermés, quand une fusillade s’échappa d’ouvertures ménagées à dessein, tua l’un d’entre eux et en blessa plusieurs. Mandrin lui-même eut dans ce moment le bras gauche cassé.

La rue du Consulat est une mince ruelle traversière, grimpant au flanc du coteau où est construite la vieille ville. La largeur en est à peine de quatre mètres. Les maisons, hautes de deux étages, se sont comme enflées dans la partie supérieure, en sorte qu’en s’élevant elles vont chacune se rapprochant de celle qui est en face. Elles ont des toits en appentis protégeant les murs contre la pluie ; et la mince bande de ciel clair, qui court au-dessus de la rue, en est plus étroite encore. Jamais de ses rayons le soleil ne vient en blanchir les pavés. On imagine à quel point l’étroitesse du passage favorise la résistance. Les contrebandiers font face à l’ennemi. Le gros de la bande, dispersé