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en Dieu. Le symptôme était significatif : la Chambre de 1859 mettait sur le même rang que les Eglises les groupemens antichrétiens se couvrant d’une vague étiquette religieuse. « Je crains que notre libéralisme national, écrivait Reichensperger peu de temps auparavant, sitôt parvenu derechef à l’influence politique, ne prenne plus ou moins comme modèle le libéralisme belge. » La fermentation des passions anticléricales justifiait ce pronostic. Les catholiques redoutaient Bethmann-Hollweg, ministre des Cultes, soupçonné de fanatisme protestant ; ils redoutaient Flottwell, le ministre de l’Intérieur, qui, jadis, au Parlement de Francfort, avait fait campagne contre le célibat des prêtres ; ils entendaient certaines rumeurs hostiles, certains cris de proscription contre les Jésuites ; et la présence, à la tête du ministère, du catholique Antoine de Hohenzollern ne suffisait pas à les rassurer. Plus se multipliaient, à Rome, les désastres politiques du Saint-Siège, plus augmentait à Berlin, dans la majorité parlementaire, la crainte de l’« ultramontanisme. » « L’aveuglement de nos libéraux confine à l’incroyable, disait encore Reichensperger en mai 1860 : avant tout, ils ne remarquent pas que leur jeu ne peut que profiter à la démagogie et au despotisme. La haine contre tout ce qui est autorité, tradition, avant tout contre l’Eglise, me paraît la raison principale de cet aveuglement. »

On s’explique dès lors qu’au cours de l’année 1860, les catholiques de la Chambre prussienne, sans d’ailleurs nouer formellement alliance avec le parti conservateur, réputassent rompus ces liens de cordialité qu’ils avaient, dans les années précédentes, entretenus avec la fraction « libérale » à laquelle le comte Schwerin présidait. Schwerin d’ailleurs était, dans son propre parti, singulièrement dépassé ; le chef de la veille devenait une personnalité d’arrière-garde ; et sous la bannière anticléricale, le libéralisme tournait au radicalisme. Geissel, son collègue Foerster, prince-évêque de Breslau, se confiaient les plus sombres pressenti mens : « Dans la prochaine Chambre, écrivait Geissel le 20 août 1860, on voudra, par des lois nouvelles, ramener la liberté des catholiques à ce qu’elle était avant mars 1848. La revue Protestantische Blaetter, de Gelzer, dont le ministre des Cultes passe pour le premier collaborateur, a déjà, dans plusieurs numéros, tracé l’ordre de bataille pour la prochaine campagne parlementaire contre l’Eglise catholique, et quelques