Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/709

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parfois auprès des flots, humant leur souffle amer,
J’évoque ta grande âme orageuse, ô Shakspeare,
A l’heure où la Lumière avec lenteur expire
Et, pâle infiniment, décline vers la mer.

Là, sur l’ample oreiller de l’onde occidentale,
Comme ta Desdémone, ô Poète, Elle étale
L’or de sa chevelure au chaud ruissellement,

Et, parmi les rougeurs d’un ciel tragique et sombre,
Se couche pour mourir et s’éteint longuement
Sous l’étreinte du Soir qui l’étouffe dans l’ombre.


ANGOISSE NOCTURNE


Rien ne bouge. Nul bruit. A peine par moment
Une rumeur lointaine et faible comme un râle ;
Et, calme au fond du lac, l’Etoile Vespérale
Luit parmi les roseaux sans un frémissement.

Mais voici qu’une brise a passé. Brusquement
Le Reflet rampe, glisse et s’étire en spirale,
Et semble, dans les plis de l’onde sépulcrale,
Un long reptile en proie à quelque âpre tourment…

Tel j’ai senti sur moi le souffle impur du Doute,
Et les Cieux aujourd’hui me font peur.
Je redoute Leur paix inaltérable et leur éternité ;

Et celui qui pourrait regarder dans mon Ame
Verrait, sous la splendeur des claires nuits d’été,
Grouiller d’affreux serpens tordant leur nœuds de flamme.


L’ÉTOILE ET LA TORCHE


Toi qui des profondeurs du ciel illuminé
Vis le Christ la première et lui rendis hommage,
Etoile qui guidas le Berger et le Mage
Vers la crèche où dormait le Divin Nouveau-Né ;