Pressentais-tu déjà ta puissance future,
Et qu’un jour tu ferais sous un ciel de brouillard,
Ô grand magicien, ô Josué de l’Art,
Des miracles pareils à ceux de l’Écriture ?…
En tes vivans portraits que baigne un rayon d’or
Tout un siècle défunt de l’ombre émerge encor,
Et se dresse, frappé d’une lumière oblique ;
— Œuvre resplendissante où ton pinceau vermeil,
Mieux que le glaive ardent du Conquérant Biblique
Sur la toile à jamais arrêta le Soleil !
Oui, l’œuvre sort plus belle
D’une forme au travail
Rebelle,
Vers, marbre ; onyx, émail.
TH. GAUTIER.
Le jour baisse. C’est l’heure où tu sens, ô mon Ame,
Tandis que le soleil plonge aux pourpres du soir,
De l’astre ardent du Beau pâlir aussi la flamme,
Où d’un geste alangui notre main laisse choir,
Aux mourantes clartés qui tombent du vitrage,
La plume, le burin, la brosse ou l’ébauchoir.
Ame désenchantée et qu’un rien décourage,
Tu dis : — « L’Art n’est qu’un leurre et la Gloire nous ment ;
« Insensé qui poursuit ce double et vain mirage !… »
— Non, non, reprends ton œuvre, et bénis ton tourment !
Toi qui chéris la Mer, à la Mer sois pareille,
Où clame la douleur d’un long enfantement.
C’est l’âpre combattante et qui, glauque ou vermeille,
Sous l’azur radieux ou sous le ciel en deuil,
Ne s’arrête jamais et jamais ne sommeille.