sujet que les puissances ont été pressenties. On connaît la réponse de l’Allemagne : elle a, comme on dit, jeté un froid. L’Allemagne n’a rien objecté à la proposition en elle-même. Mais elle a exprimé la crainte que le débarquement de troupes européennes dans les huit ports n’y produisit des désordres, comme cela est arrivé à Casablanca, à moins que ces troupes ne fussent en quantité suffisante pour rendre tout soulèvement impossible. Le problème est d’une solution délicate. L’Allemagne semble nous inviter à débarquer des troupes nombreuses dans les ports de mer, — ou à ne pas en débarquer du tout. On conçoit que, placés dans cette alternative, nous préférions nous abstenir jusqu’au moment où l’obligation d’agir s’imposera d’une manière immédiate et pressante. Toutefois la question reste posée et il faudra bien la résoudre. C’est, à nos yeux, toute la question marocaine. Nous devons, non pas nous désintéresser, mais nous tenir en dehors de ce qui se passe à l’intérieur du Maroc, et concentrer notre effort sur les côtes et sur notre frontière algérienne. Dans les ports, la conférence nous a confié une fonction ; sur notre frontière elle nous a reconnu un droit. Il n’y a plus d’Européens dans le reste du Maroc. Tout concourt, par conséquent, à nous conseiller de nous borner. Le jour où une police effective aura été organisée dans les ports par l’Espagne et par nous, nous serons quittes envers l’Europe : nous aurons fait tout ce que nous pouvons et devons faire actuellement dans l’intérêt général de la civilisation, et aussi pour la préservation de nos intérêts particuliers.
Que se passe-t-il d’ailleurs au Maroc ? Quelle est la situation respective des deux sultans ? Quelles sont les chances de l’un et de l’autre ? On comprendra que, sur tous ces points, nous soyons très réservés. Le monde politique international ne connaît qu’un seul sultan, qui est Abd-el-Aziz : son frère Moulaï-Hafid n’est qu’un prétendant. Le monde musulman reconnaît la manifestation de la volonté divine dans la force seule, et dans son succès. Si la force avait été évidemment de son côté, il est probable que Moulaï-Hafid serait devenu aux yeux de tous, ou du moins du plus grand nombre, le souverain légitime du pays. L’Europe aurait fini par le reconnaître, comme elle reconnaît tous les gouvernemens devenus réguliers. Mais les choses n’ont pas pris jusqu’ici cette tournure. Au bout de peu de jours, on a constaté que la cause de Moulaï-Hafid ne gagnait pas de terrain. Moulaï-Hafid n’avait pas d’argent ; il n’avait pas d’armes. On raconte aujourd’hui qu’à la manière de Monte-Cristo il a découvert toutes sortes de