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supprimer tout ce qu’il peut y avoir encore d’hésitant et de flottant dans leur pensée pour lui donner la forme d’un système achevé. A la vérité, les modernistes ont des tendances communes ; mais s’y abandonnent-ils tous dans les mêmes conditions et jusqu’au même point d’aboutissement ? Non. Leurs conclusions sont diverses, quelquefois opposées, souvent provisoires comme il appartient ! à tout ce qui vient de chercheurs ; et c’est ce qui permettra à chacun d’eux, — il faut s’y attendre, — de protester en toute sincérité qu’il ne reconnaît pas sa pensée propre dans la doctrine uniforme que l’Encyclique assure leur être commune. Et comment tous ne reculeraient-ils pas épouvantés devant la conclusion que le Saint-Père exprime en ces termes : « Maintenant, embrassant d’un seul regard tout le système, qui pourra s’étonner que nous le définissions le rendez-vous de toutes les hérésies ? Si quelqu’un s’était donné la tâche de recueillir toutes les erreurs qui furent jamais contre la foi et d’en concentrer la substance et comme le suc en une seule, véritablement il n’eût pas mieux réussi. Ce n’est pas assez dire : ils ne ruinent pas seulement la religion catholique, mais, comme nous l’avons déjà insinué, toute religion. Les rationalistes les applaudissent, et ils ont pour cela leurs bonnes raisons : les plus sincères, les plus francs saluent en eux leurs plus puissans auxiliaires. »

Nous ne nous permettrons pas de discuter ici les grandes questions que traite l’Encyclique : la place nous manque, et aussi la compétence. L’Encyclique est elle-même un morceau très étendu. On ne pourrait y répondre, ce qui d’ailleurs n’est pas notre affaire, qu’en entrant dans beaucoup plus de développemens encore, car elle supprime de parti pris toutes les nuances et toutes les distinctions qu’il faudrait rétablir. Nous nous contenterons de dire que le document pontifical range les erreurs modernes, ou modernistes, sous trois chefs principaux, caractérisés par les dénominations d’agnosticisme, d’immanentisme et d’évolutionnisme.

L’agnosticisme est la doctrine qui refuse à l’esprit humain la capacité nécessaire pour s’élever à la connaissance directe et adéquate de la vérité. Pris en un certain sens, il ne semble pas contraire à la religion : en effet, si l’esprit humain pouvait s’élever à lui seul à la pleine connaissance de toutes les vérités dont il a besoin, la révélation serait inutile. Mais, ici comme partout, il y a une question de mesure. C’est une hérésie de dire que l’esprit humain ne peut pas s’élever à lui seul à la notion de Dieu ; mais c’en est une autre de dire qu’il peut s’élever à lui seul à la connaissance de Dieu telle que la religion la